Wrath James White – Prey Drive (2013, Sinister Grin Press)

Wrath James White – Prey Drive (2013, Sinister Grin Press)

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L’horreur graphique est un cas éternellement à part dans le paysage créatif. En effet, elle divise la plupart du temps: d’un côté, il y a ceux qui la trouvent trop marquée, trop choquante ou tombant dans le ridicule ou le grand-guignol. De l’autre, il existe de fervents admirateurs des pires atrocités, qu’elles soient cinématographiques (les films gore), littéraire (les romans fantastiques) ou picturale (les corps humains exposés du Professeur Gunther Von Hagens). Trouver un réel équilibre entre ces deux partis reste très difficile; de même, montrer sans véritable but demeure totalement inutile, même si cela ne doit pas forcément être une forme de dénonciation mais, le plus souvent, l’illustration physique d’un trouble mental. Ce que l’écrivain américain Wrath James White a parfaitement compris avec ce roman, Prey Drive (la suite de Succulent Prey), qui marquera pourtant mêmes les esprits les plus endurants.

Joseph Miles est un prisonnier indéfinissable. Arrêté pour avoir tué puis mangé (ou parfois l’inverse) les corps de plusieurs victimes, il purge une peine de prison dans un quartier de haute sécurité. Mais il se croit malade, objet d’un virus qui lui a été transmis génétiquement et contre lequel il ne peut lutter. Pour y échapper, il lui faut savoir, comprendre. Il doit sortir du lieu où il est enfermé. Et avant tout, se battre pour survivre; contre la cruauté des gardiens, la gloire des co-détenus pensant gagner un semblant de célébrité en le tuant, et une femme qui l’admire et souhaite plus que tout être contaminée. Mais il lui est surtout nécessaire de contenir le monstre cannibale et sexuel qui sommeille en lui, cette créature incontrôlable que l’excitation de la chair et du sang réveille dès que l’occasion se présente. Malédiction ou folie?

Prey Drive va très loin dans la répulsion. Les instincts cruels de Joseph Miles, ainsi que ses actes, sont décrits de manière détaillée et demandent au lecteur d’avoir le coeur bien accroché, tellement ceux-ci sont horribles et sanglants. Rien n’est oublié, des organes vitaux aux viscères, des muscles tailladés aux gorges arrachées, dans un réalisme destructeur et saisissant. L’érotisme devient bestial, la jouissance ne trouvant d’issue que dans l’excès, les fluides corporels se mêlant à l’hémoglobine pour fournir un assaisonnement abominable des plats anthropophages que concocte le tueur en série (chaque partie du roman est d’ailleurs introduite par une recette de cuisine dont l’ingrédient principal est alors facile à deviner). Mais Wrath James White ne sombre jamais dans la vulgarité; il expose des faits au travers d’une intrigue captivante et rebutante, à laquelle il est impossible de rester insensible. On reste fasciné par ces explosions primitives de colère froide et calculatrice, cette débauche de fureur qui retourne l’estomac à chaque page.

Mais au-delà d’un si terrible pragmatisme, l’auteur nous évoque avant tout, au travers de ses protagonistes, les penchants les plus pervers et sombres de l’âme humaine. Entre l’innocence de Cindy Addison, la monstruosité de Joseph Miles, l’intérêt morbide de Selene et le milieu fermé et cruel de l’univers carcéral, Wrath James White expose des thèmes aussi durs à voir et lire que la conviction, la crainte et la fascination. C’est ce qui fait la force du livre: loin de n’être qu’un étal de boucher, il prend littéralement aux tripes parce qu’il nous confronte à nos pensées les plus noires ansi qu’à nos peurs primales. On n’est pas étonné par ce que l’on imagine; on le rejette tout d’abord, puis on pénètre dans un maelström vicieux et immoral qui n’est pas tant éloigné de notre quotidien, de ce que l’on voit à la télévision, de ces hommes parmi lesquels chacun de nous existe sans se douter de ce qui se cache derrière le masque. Lire Prey Drive, c’est appréhender pour mieux comprendre. C’est voir le pire pour le contrôler, aussi bien en soi que devant l’autre. A ce titre, la fiction est un exutoire perturbant la réalité, mais qui peut sembler nécessaire pour évacuer toute cette colère à laquelle nous sommes confrontés chaque jour.

Terrifiant et aussi frappant qu’un coup de poing en plein ventre, Prey Drive est éprouvant mais exquis. Les lecteurs bercés au mommy porn dfaçon 50 Nuances de Grey sont décidément loin du compte.

Raphaël DUPREZ

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Graphic horror is an everlasting world apart from every creative industry. Thus, it is always dividing people, year after year. On the left side, there are those who think it is too obvious, shocking and looking ridiculous or Grand-Guignol. On the right side, there are fervent admirers of the worst atrocities, whether they are seen in films (gore movies), books or pictures and sculptures (the famous public and controversial exhibition of corpses from Professor Gunther Von Hagens). It is still hard to find a real balance between these two points of view; moreover, showing it without any purpose is useless, even if it is not a way of blaming different causes and situations; but it is often a material illustration of mental illness. US writer Wrath James White has perfectly understood this particular case and exposes it thanks to Prey Drive (the sequel to Succulent Prey), a novel which is about to stick even in strong people’s minds.

Joseph Miles is a mysterious prisoner. Locked in jail after killing and eating (and sometimes in reverse order) the bodies of numerous victims, he is paying his sentence in a supermax security cell. But Joseph thinks he is sick, the victim of a genetically contaminating virus he cannot prevent from spreading in his body. To cure himself, he has to know and understand what it is. He has to get out of the place he is locked in. And, above all, he has to fight for his life; against the corrections officers, other prisoners thinking they will become famous while killing him, and a woman who is madly admiring him and will do all she possibly can to be like him. The hardest part is, containing his inner cannibal and sexual predator, his out-of-control creature that flesh and blood excite and awaken every time they can. So, is it a curse, or is he simply insane?

Prey Drive is going further more into repulsion. Joseph Miles’ cruel instincts and actions are described with a precise sense of details and need each reader to be ready for a trip through cruelty, as they are amazingly horrifying and blood-splattering. Nothing is left behind, from vital organs to bowels, from deeply-cut muscles to ripped-off throats, as every word is precisely chosen to inspire a destructive and striking realism. Even eroticism is something brutal, as orgasm happens through all excesses while body fluids melt with hemoglobin to cook a perfect but awful seasoning for the serial killer’s anthropophagous meals (each part of the book thus being introduced by a recipe which main ingredient is easy to find out). But Wrath James White never turns to vulgarity; he is writing about facts while telling us a captivating and annoying story leaving each one of us unable to feel spoiled. One is fascinated by all these primitive explosions of cold and clever angriness, this debauchery of fury making one sick page after page.

But far beyond such an easy though terrible pragmatism, the author, through characters, evokes the most pervert and dark tendencies of the human soul. While describing Cindy Addison’s innocence, Joseph Miles’ monstrosity, Selene’s morbid self-interest and the close and cruel world of the penitentiary, Wrath James White exposes themes that are unpleasant to read about and imagine but, in the same time, a true sense of conviction, terror and fascination. This is why this novel is so impressive; it is not only an exhibition of meat or a butchery stall, it is literally eating at each one of us because confronting us to our blackest thoughts and primal fears. One is not amazed by what is made up; one rejects it first, then enters this vicious and immoral Maelström that is not so far from everyone’s daily life, what can be seen on TV, or people we meet without knowing what is hiding behind the mask. Reading Prey Drive means comprehending to understand. It is a way to see the worse and control it, in ourselves and others. Considering this, fiction is a disturbing but necessary way out to let go off the pain we are eternally confronted to.

Scary, traumatic and as painful as a punch in the face, Prey Drive is also as consuming as exquisite. Fans of mommy porn books like 50 Shades of Grey are definitely far from reality.

Raphaël DUPREZ

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Caroline Fourest – Inna (2014, Grasset)

Caroline Fourest – Inna (2014, Grasset)

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Chose étrange lorsque l’on achève la lecture du nouveau livre de Caroline Fourest; on a l’impression d’entendre au loin les cris des détracteurs de la journaliste, essayiste et réalisatrice française, mais également ceux des opposants à Inna Shevchenko, leader du mouvement Femen depuis plus de deux ans. Ce sentiment pénétrant de deviner les insultes homophobes, misogynes, racistes même, bref, tout ce qui pourrait être reproché à l’auteure de cet ouvrage profond, éprouvant et autant révolutionnaire qu’humain. A ces hurleurs de rue dont l’étroitesse d’esprit n’est plus à prouver, on a simplement envie de répondre ceci: la force de conviction qui émane de ces pages est exemplaire, démontrée sans être démonstrative, captivante sans être sacerdotale (terme à ne pas prendre selon sa définition religieuse, mais plutôt pour faire un pied-de-nez au lavage de cerveau dont certains extrémistes sont les victimes consentantes).

Ceci n’est pas une biographie, que les choses soient claires. Il s’agit avant tout d’un témoignage, dont l’originalité vient du fait d’être bilatéral. On vit ici la jeunesse d’Inna, son éducation, son talent exemplaire aussi bien dans les études que dans les prémisses de ses engagements (notamment dans le cadre étudiant) puis cette explosion libertaire qu’elle prend en pleine figure, à 20 ans, lorsque ses efforts autant que ses illusions s’effondrent, entre travail rabaissant dans l’administration à Kiev (tais-toi et fais ce qu’on te dit) puis révélation du besoin d’action concrète en s’engageant dans le féminisme à corps perdu. Et, pour chacun de nous, cette expression est littéralement évidente: qui n’a pas vu au moins une fois Femen en action, leurs torses nus et couverts de revendications et messages tout sauf subliminaux? Inna prend rapidement conscience du pouvoir de l’attribut féminin, de sa force pour dénoncer la prostitution, la dictature et l’enfermement mental des religions. Elle prend des risques, fuyant son pays après avoir tronçonné une croix en soutien aux Pussy Riot, arrive en France et continue le combat à distance grâce aux réseaux sociaux, puis parvient à conserver l’intégrité du mouvement, son symbole, son langage. Une femme de 23 ans dure, entêtée, volontaire et révolutionnaire, sachant que le choc visuel provoqué par la nudité vaut mieux que n’importe quel discours. Quitte à éternellement risquer sa vie; de l’opposition physiquement marquante contre Civitas jusqu’au soutien à Amina, prisonnière politique en Tunisie, Inna fonce, prépare, enrôle grâce à la fascination qu’elle provoque mais également au discours qu’elle tient. Et dans lequel, plutôt que de sextrémisme, on est en droit de parler d’activisme; quoi de mieux, en effet, de plus expressif qu’un corps, plutôt que des actes violents et facilement répréhensibles? A ne pas oublier.

Bilatéral donc, puisque, suite à son documentaire « Nos seins, nos armes« , Caroline Fourest complète cette enquête en nous faisant vivre ce qui y est décrit, mais de l’intérieur. Du point de vue du vécu professionnel et personnel de la journaliste. Prenant fait et cause pour celle qu’elle appelle la « camarade Shevchenko », elle se met en complète immersion dans le mouvement et le soutien à cette nouvelle arme du féminisme. Mais, de plus, elle la vit; intimement, passionnément, viscéralement. Et relationnellement; sa proximité avec Inna la conduit en effet à porter son regard expérimenté sur les actions, les choix, les obsessions de la révolutionnaire ukrainienne. Les deux s’opposent, se rapprochent, se retrouvent et se perdent. Mais, au-delà de tout, elles souhaitent la même chose; une reconnaissance et une égalité par et pour les femmes. Chacun devient alors témoin de ces engagements pris par l’une et l’autre, de ces actes concrets, de la protection qu’elles s’accordent mutuellement sans le montrer. Deux caractères s’affrontant passionnément dans le même but, mais avec des arguments différents. Pourtant, elles nous prouvent qu’elles ont en commun ce sacrifice, cette permanente mise en danger d’elles-mêmes, de ce qu’elles sont et représentent. Là où Caroline Fourest s’engage politiquement et rationnellement mais en gardant ce regard protecteur sur chaque événement, Inna devient une figure vivante du don total de sa personne pour une cause qui, comme elle le sait, peut la conduire à sa perte. Pas de tragédie cependant; un engagement quotidien dans la conviction, chaque minute, pour le bien de toutes. Et de tous.

On ne peut pas sortir indemne de ce livre. On ne peut pas le rejeter. Il n’y a alors que deux choses à faire, si tant est que le désir se fasse sentir: s’engager pour soutenir Femen et Caroline Fourest dans leurs luttes contre les extrêmes, mais surtout surveiller leurs ennemis qui, on s’en doute, n’attendent qu’une chose: brûler le livre. Etonnant qu’ils ne l’aient pas encore fait, d’ailleurs.

Raphaël DUPREZ

 

Something weird happens while ending up reading journalist, essayist and director Caroline Fourest’s new book; one feels like hearing provoking protests from her opponents, but also from Femen leader Inna Shevchenko‘s enemies. Such an continuous thought of guessing all homophobic, misogynous and even racist insults defines what could be reproached to the writer of this deep, improving, revolutionary and human novel. Thus, to all those useless demonstrators which capacity of thinking is amazingly restricted, one can then answer: such a strength of conviction is a living example, a never ostentatious proof of the subject itself, fascinating and never sacerdotal (not in a religious way, but in order to give up the brain-conditioned people and willing so-called victims who always criticize without knowing anything).

Let us make things clear: this book is not a biography. It is an original though bilateral evidence. One here learns about Inna’s youth, education, exemplary talent in studying and taking part of the student life, proving her growing ability to get involved in fair public purposes; unfortunately, a personal implosion occurs while, turning 20, her efforts and illusions disappear because of a decreasing and almost humiliating administrative work in Kiev (a ‘shut up and do what you are told’ kind of order) and a personal revelation and desire to act in concrete terms while getting engaged, body and soul, in feminism. And, for all of us, these particular words find their true meaning: who has never seen one of Femen actions, bare breasted and their chests painted with claimings and never subliminal messages? Quickly, Inna understands how powerful a female body can be, and its strength to stand against prostitution, dictatorship and religious’ mental slavery. She takes risks and has to run away from her country after sawing a cross to lend her support to imprisoned Pussy Riot; but, as she arrives in France, she keeps on fighting thanks to social networks and maintain Femen’s integrity, language and symbol through the years, against all odds. She is a 23-years old straight, stubborn, self-willed and revolutionary woman, knowing that every visual shock nudity can cause in front of everybody’s eyes is much more significant than simple and aimless speeches. And she lives a dangerous life: from the violent fight against French extremist movement Civitas to the support for Tunisian woman Amina, Inna goes on and on, always preparing new happenings, enlisting more and more protesters thanks to her innate charisma and, above all, the rightness of her words. And in which, more than only sextremism, one can understand what activism really is; what can be more meaningful than a nude body, and better than reprehensible acts of anger? Never forget that.

So, a bilateral essay ; because, after her documentary Our Breasts, Our Weapons, Caroline Fourest goes further into her investigation while allowing us to see all of it from the inside, from a professional and personal point of view. Acting and supporting the woman she calls ‘General Shevchenko’, she fully immerses herself in this all new feminist weapon, and movement. But, most of all, she lives it, confidentially, fervently, visceraly. And humanly: her special relation and closeness with Inna leads her to share an experienced point of view about the Ukrainian woman’s actions, choices and obsessions. They are sometimes divided, sometimes back together and lost again. But first of all, they want the same thing: gratitude and equality for all women. Thus, they both testify for their self commitment, concrete acts and the ominous mutual protection they have for each other without ever showing it. These two complex natures excitingly aim for the same reasons, but in different ways. Nevertheless, they prove that they have a common and continuous sense of sacrifice and danger to stand for who they are. While Caroline Fourest gets politically and rationally involved but still keeps a protective look on all events and people she cares for, Inna becomes a living symbol of total devotion to a cause that, as everyone (including her), could lead her to her death. But no drama here; just a daily wish to convince everyone of the goodness and respect that women deserve.

Nobody can come out of this book unharmed. Nobody can reject it. There are only two ways left for people who want to join the fight: support Femen and Caroline Fourest‘s amazing work against extremists, and keep those ones from burning this incredible book. Strange they still haven’t done it yet.

Raphaël DUPREZ

 

JM Stim – Voilà Berlin (Here Is Berlin; 2011, Rokko’s Adventures)

JM Stim – Voilà Berlin (Here Is Berlin; 2011, Rokko’s Adventures)

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Il est toujours difficile, de prime abord, de décrire une ville pour chacun de nous. D’une part, parce que l’on craint de ne pas pouvoir retranscrire parfaitement ce que l’on voit à ceux qui ne la connaissent pas; d’autre part, parce que les mots que nous-mêmes mettont sur des sensations nous semblent insipides par rapport à ce qui est réellement éprouvé lorsque nous traversons des lieux, des cités, des capitales. Dans cet essai de 2011, le journaliste allemand JM Stim (de son vrai nom Klaus Josef Stimeder) donne sa vision du Berlin d’après 1989, de ses changements, de ses populations et de son intégrité. Non pas comme une carte postale, mais comme un vécu, un désir poignant et glaçant de dévoiler sa vérité.

De la terrasse d’un café, lorsque le soir tombe, l’auteur observe, extérieur aux scènes, sans prendre parti ni émettre le moindre avis sur les événements qui se jouent devant lui. Intégrant les personnes croisées et vues au passé de la ville, à ses habitants, leurs origines, leur dissémination, il se fond dans la cité allemande et nous invite à la voir avec ses propres yeux. Non pas ceux d’un journaliste, n’évoquant que des faits, mais ceux-là même d’un de ses membres qui y cherche ses repères, qui la voit bouger sans cesse, s’étendre, accueillir et donner le mérite nécessaire aux êtres fluctuants qui la traversent. On parcourt ainsi l’histoire du lieu, ses facettes les plus cosmopolites, ses nouvelles fondations depuis la chute du mur. Le ton est neutre, ni nostalgique, ni admiratif; simplement humain.

Et, malgré cette apparente froideur, JM Stim nous dévoile sa vision de Berlin, ses sens toujours en éveil et son regard continuellement acéré. Parmi les êtres qu’il contemple, les situations dont il est témoin, il exprime également sa propre observation d’une ville qu’aucun quartier ne peut délimiter, qu’aucune frontière ne peut enfermer. Comme si le parfum de liberté de la fin du siècle dernier trouvait ici une union incomparable avec un caractère insulaire, fermé sur lui-même tout en demeurant ouvert à chacun (il suffit de lire le passage exposant les différentes nationalités présentes). Témoignage de l’Histoire autant que de l’humanité, de ses succès et de ses dérives, artistiques, sociales ou, dans une moindre mesure, politiques, Berlin est à l’image de son centre-ville officiel (Mitte): elle existe concrètement mais n’est pas réelle comme telle. Elle est libre, en expansion et en réduction. Elle est une cellule qui grandit autant qu’elle rapetisse selon les mouvements de populations, de plus en plus nombreux. Elle reste à jamais ouverte depuis la fin des années 1980, elle demeure macrocosme et microcosme, artistiques et variés. Et, ainsi décrite, elle fait peur autant qu’elle attire; constat de son passé autant que de sa réelle personnalité.

Difficile de retranscrire parfaitement l’émotion suscitée par ce court essai. Un seul conseil pour y parvenir: lisez-le, dès que possible.

Raphaël DUPREZ

http://www.rokkosadventures.at/hereisberlin/

For each one of us, it is always difficult to tell stories about a city we deeply like. First, because the fear of not perfectly describing it to people who are not familiar with it is always at stake. Second, because our own words about feelings we are having there sometimes seem useless compared to our love for all places, towns, capitals. In his 2011 essay, German journalist JM Stim (Klaus Josef Stimeder) exposes his personal vision of the post-1989 Berlin, its changes, its population and, most of all, its integrity. Not as a simple postcard, but as a living entity, movingly and truly brought to the light.

From different café terraces, as evening is falling, the author is watching, always out of the picture, without taking any narrative or personal part in the events he sees. Speaking about people he crosses through the city, its inhabitants (including their origins and place in the whole town) and its past, he literally explores it and invites us to contemplate it through his own eyes. Not as a newspaper writer, simply explaining the facts, but as a human being looking for his marks in a perpetually changing and spreading site, open-minded and giving shelter to all the ethnic groups that are passing through it. One then learns about its history, its cosmopolitan cultural sides and its newest foundations after the fall of the Wall. JM Stim’s writing is neutral, neither nostalgic, nor in total admiration; simply human.

And, although his tone seems to be as cold as ice, he expresses his own vision of Berlin as his senses are always acute and his look still sharp. Among all the people he considers, or the situations he testifies for, he also talks about his personal point of view about a city where there is no specified district, and that no border can shut down from the rest of the country. All these images have a scent of liberty as well as a desire to be left alone, a complete isolation as well as a passionate opening to the world (one only has to read the paragraph about all different foreign people living together there). Like a urban proof of History and mankind, as much as their artistic, social or, to a lesser extent, political successes and failures, Berlin looks like its town center (Mitte): geographically existing, but never considered as such. It is a free place, expanding and getting smaller at the same time. It is a growing then shrinking cell, as more and more people come and go. And, moreover, it is still an open space and has always been from the end of the 20th century; a cultural, various macrocosm and microcosm. And, described like this, it is as scary as attractive; which perfectly stands for its past and its own personality.

Thus, it is really difficult to sum up this short essay, so much it is moving and remarkably written. The only thing to do is: read it, as soon as you can.

Raphaël DUPREZ

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Troy Blackford – First There Wasn’t Then There Was (2014, publié à compte d’auteur/ self-published)

Troy Blackford – First There Wasn’t Then There Was (2014, publié à compte d’auteur/ self-published)

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Curieux, parfois, comme certaines impulsions peuvent avoir des conséquences exceptionnelles. Par exemple: après avoir découvert le travail de Troy Blackford sur Internet, l’auteur de ces lignes, afin de découvrir ses écrits, a commandé un Kindle (investissement qui sera vite amorti) pour entrer dans l’univers de l’auteur. Et sans aucun regret à la lecture de cette nouvelle. Quant aux impulsions précitées, elles se révèlent aussi très présentes dans les cent pages de ce court roman captivant du début à la fin.

Quatre amis un peu paumés, travaillant dans le même bâtiment et geeks à leurs heures perdues, se retrouvent chaque jour aux mêmes heures dehors pour assouvir leur besoin de nicotine. C’est durant ces pauses qu’ils remarquent un homme, vêtu d’une tenue étrange (notamment un pantalon tâché de peinture) et déambulant avec un sac plastique à la main. L’ayant quelquefois approché, ils ont entendu l’inconnu parler tout seul d’une manière incompréhensible. Poussés par la curiosité, ils décident de dissimuler un dictaphone dans la poche de son manteau, afin de mieux en apprendre sur lui et ses divagations. Et, après avoir récupéré l’appareil, l’histoire qu’ils sont sur le point d’entendre les bouleversera à jamais.

La première évidence venant à l’esprit en finissant First There Wasn’t Then There Was est la suivante: pourquoi Troy Blackford n’est-il pas encore reconnu comme l’auteur qu’il est réellement? Sa manière d’écrire est captivante, continue, prenante et provoque chez le lecteur l’effet d’une drogue dont on ne peut plus se passer. Fluide et immédiate, sa plume coule doucement, intègre le suspense et les enjeux de manière subtile, toujours au bon moment, sans laisser de répit à quiconque. Cette sombre histoire racontée par l’étranger, ces souvenirs marquants qui sont les seuls qu’il lui reste, ces couleurs significatives tout au long de ses aventures, prennent une dimension artistique si importante qu’il est facile de les visualiser comme s’ils existaient vraiment, devant nos yeux. L’histoire, en plus d’être originale autant que phénoménale, explore des sujets et une intrigue encore inédits et admirablement mis en page.

Le caractère humain des protagonistes fait alors la force des événements surnaturels qui surviennent. Surtout l’un des principaux acteurs du drame tragique qui se déroule sous nos yeux; l’inconnu, celui que personne ne regarde et qui converse avec lui-même. Qui, en effet, n’a jamais croisé une personne dans la même situation et a préféré l’éviter, le croyant fou ou délirant? Ce simple fait quotidien prend ici une dimension poignante; celui que l’on croit psychologiquement malade car perdu dans ses propres monologues est finalement l’être qui a survécu, la victime qui est rejetée, mais surtout l’individu qui connaît une réalité humaine que personne n’est prêt à écouter. Il faut alors tendre l’oreille pour comprendre, et ne plus pouvoir se remettre de ce qui est révélé. L’autre que l’on considère comme inhumain devient alors le plus pur représentant de la vérité, celui sur lequel nos existences, par l’intermédiaire des épreuves terribles qu’il a traversées, vont dorénavant reposer. Et cet autre, c’est aussi la peur, que l’on doit affronter pour survivre. Troy Blackford a parfaitement compris ceci et mélange les tenants et aboutissants de son histoire pour nous emmener loin en nous-mêmes autant que dans cette fiction qui, à l’instar de l’enregistrement fait par les quatre témoins indirects, nous aidera à devenir différents, grandis.

Une nouvelle exceptionnelle, un auteur qui l’est tout autant. Il va donc falloir très vite découvrir ses autres oeuvres, le suivre et l’encourager, le soutenir. First There Wasn’t Then There Was vous transformera. Pour longtemps.

Raphaël DUPREZ

http://www.troyblackford.com/

 

It is sometimes weird how impulses can have amazing consequences. For instance: after discovering Troy Blackford’s work all through the Internet but never having read any of his novels, the one guy who is actually writing the words you are now reading has ordered a Kindle (quite a good investment indeed) to get into the US author’s world. And, well, no regret whatsoever while reading this particular novella. And, about impulses, the funny thing is, they are quite the same in this captivating and page-turning short story.

Four Minneapolis friends, all working in the same building and, when not at the office, assumed geeks, take the same breaks every day to have a smoke outside. During one of these precious outdoor nicotine inhalations, they see a strange man wearing uncommon clothes (including paint-covered pants) and walking with a plastic bag in his hand. As they have been close to him several times, they have noticed that he has apparently been talking to himself in an incomprehensible way. Too curious and intrigued, the four boys decide to hide a dictaphone in the man’s jacket pocket, in order to know more about him and his rantings. Getting the object back, they are about to hear a story they will never forget, and that will change their lives forever.

First thing that comes to mind while finishing reading First There Wasn’t Then There Was is: why on Earth is Troy Blackford not considered as the true storyteller he really is? His writing method is striking, obsessive, fluid and straight, as words flow slowly, immediately, and contribute to bring suspense and all that is at stake in a subtle, right and breathtaking manner. The dark story the stranger is telling, all these only memories he has left, the significant colors he has seen during his weird experience, go to a higher artistic level, one which is so obvious that all readers can perfectly figure out all the pictures he describes, as if they have been truly existing, right in front of their eyes. The scenario, original and phenomenal, is about never-read-before themes as well as an astonishingly written plot.

The characters’ human personalities are like a precious and continuous strength helping them survive the supernatural events which occur. Most of all, The Man could count on this inner power to endure the tragic drama he has been going through. He is the weirdo, the one nobody looks at and who is always talking to himself. And, to be honest, who has never met someone acting like him in the streets and believed he/ she was crazy or delusional, then gone the opposite way? Such a simple every day moment of life is the moving starting point of the novella; the one who looks insane or psychologically ill while speaking alone finally is the only human being who survived, the rejected victim, but above all, the single one on Earth who knows a worldwide truth nobody is ready to hear. One then has to carefully listen to the stranger, in order to understand and, therefore, change because of all that is revealed. Thus, the non-human social individual is the main representative of reality, the one who, through the intense and horrible events he has been through, will enlighten our lives. And this man is also a metaphor of fear itself, the same one we all have to fight to keep going on and survive. Troy Blackford has perfectly understood all of this, and mixes all the story’s whereabouts to take us further more into ourselves as much as in his work of fiction which, as the recording is about to disturb the four listeners in the novella, will help us become different, and wiser.

An incredible novella from an exceptional author.It is now time to read Troy Blackford‘s other books, follow him and encourage him. First There Wasn’t Then There Was will transform you. For a very long time.

Raphaël DUPREZ

http://www.troyblackford.com/

Jean Viard – Marseille, le Réveil Violent d’une Ville Impossible (2014, Editions de l’Aube)

Jean Viard – Marseille, le Réveil Violent d’une Ville Impossible (2014, Editions de l’Aube)

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L’une des forces principales de Marseille transparaît dans les deux réactions extrêmes qu’elle suscite lorsque l’on parle d’elle ou que l’on y pénètre pour la première fois: soit elle fascine, soit elle rebute. Aucun intermédiaire ne semble la définir mieux que ce paradoxe. Ce constat, la ville le tient autant de son histoire que de sa situation géographique, entre mer et terre, mais également de la multiplicité d’entités la constituant, entre Canebière et quartiers Nord dont la réputation n’est malheureusement plus à faire. Mais cela soulève une question principale: comment rester insensible à cette vie fascinante qui explose de Notre-Dame de la Garde à La Castellane, de l’effervescence de Belsunce à la beauté du Vieux-Port? Cet ouvrage de Jean Viard, sociologue reconnu, directeur de recherche au CNRS et élu local depuis 2008, contribue à apporter de nombreuses réponses, autant que des solutions aux problèmes posés pour que la cité phocéenne devienne, enfin, la métropole qu’elle se doit d’être aussi bien au niveau territorial qu’international.

Au travers d’articles et d’entretiens récents, l’auteur dresse un constat éloquent et précis des enjeux marseillais et de leurs causes premières. De son passé colonial à sa diversité ethnique actuelle, de l’éclatement urbain très -trop?- développé extra-muros à la sectorisation de son ensemble, cette seconde décennie annonçait un repli de la ville sur elle-même encore plus important que les années précédentes. Pour la sortir de ces habitudes et images d’Epinal mondialement connues, l’année 2013, avec Marseille-Provence capitale de la Culture, pose de nouveaux repères tout en regardant en arrière pour tirer les leçons de dysfonctionnements latents mais loin d’être irréversibles. Ce dont Marseille a besoin pour naître à nouveau, c’est d’unité. Et celle-ci doit être vue sur tous les fronts: politique, social et économique. Tournées vers la Méditerranée aussi bien que vers la France et l’Europe, ses voies maritimes lui donnent un potentiel gigantesque et une place prépondérante dans le flux de marchandises mondiales. Sa population cosmopolite, exemple rare de cohabitation sur la durée (si l’on part de l’arrivée des migrants algériens dès 1962), demeure inébranlable. Enfin, ses atours culturels mais également universitaires achèvent de montrer la puissance intrinsèque d’une cité en quête d’unité et de reconnaissance.

Alors que les querelles entre membres de partis opposés ou de mêmes partis, les affaires judiciaires, le problème de la drogue, économie souterraine mais omniprésente, entachent l’image de cette ville sans nulle autre pareille, c’est bel et bien dans la mise en relation entre tous ces enjeux que la solution réside. Elle est simple: pour grandir et devenir métropole, Marseille doit relier tous ses atouts entre eux, ne faire qu’un. Le rôle des élus est alors de créer ces liaisons, de comprendre l’urbanisation de manière concrète, d’écouter et faire participer chaque représentation d’une société diverse mais ô combien riche. Plutôt que de cantonner chacun dans ses propres repères et susciter ainsi la crainte de ne pas pouvoir « devenir Marseillais », il faut prouver que l’on est capable d’accueillir en étant un bloc soudé et ouvert. Les conséquences sont de taille: par ces aménagements et prises de conscience, la cité peut exister, dans un futur plus proche que prévu, en tant qu’entité économique, universitaire et sociale. Jean Viard nous démontre que tout cela est à portée de main, que ce qui a réussi à Lyon est possible ici, voire peut dépasser ce qui existe déjà. Grâce à une analyse détaillée, l’ouvrage exprime ce désir de donner vie au rêve phocéen et de sortir du carcan dans lequel il repose, mais qui n’est qu’une illusion que le passé a entretenu. Il est temps d’agir.

Un essai intense, chargé d’humanité et surtout, écrit par un passionné qui souhaite plus que tout redorer le blason de Marseille. Et son éclat n’en est que plus grand, comme celui de la Bonne Mère au coucher du soleil. A lire pour tous les amoureux de cette ville incomparable et pour tous ceux qui souhaitent dépasser les idées reçues.

Raphaël DUPREZ

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One of French city Marseille’s main strength first appear in people’s contradictory reactions while arriving into it for the first time: either one loves it, or hates it. Nothing else seems strong enough to define this particular place. Considering this fact can easily be explained by both historical and geographical reasons: Marseille lies between land and sea, but also, contains many different social entities, from the Canebière to the so-called infamous Northern districts. Thus, one is asking: how can anyone remain insensitive while standing in front of such a fascinating town, from the upper lands of Notre-Dame de la Garde to the Castellane area, from the effervescent Belsunce streets to the amazing fishing port called ‘Vieux Port’? Jean Viard, well-known sociologist, head executive at the French National Research Center (CNRS) and elected representative since 2008, exposes many answers to this question in his essay, explains all problems surrounding such important difficulties, but also expresses the way Marseille could become a territorial as well as international metropolis.

Thanks to recent articles and interviews, the author takes eloquent and precise stock of all that is at stake in the city, and why. From its colonial past to an actual social multiplicity, from an extended (maybe too much) town planning to an irreversible division into sectors, the second decade of years 2000 has seemingly announced a total closure of the Mediterranean center, worse than before. To get out of such habits and clichés, the 2013 project ‘Marseille-Provence, cultural capital’ has laid brand new foundations while, in the meantime, looking back to understand all lessons and dysfunctions from the past. What Marseille needs above all to succeed is unity. And this particular subject has to come from each side: political, social and economic. Right in the middle of Mediterranean sea and French river Rhône, the town’s sea routes have a huge potential in national, European and international freight. Its cosmopolitan population is nowadays a perfect example of long cohabitation (started after Algeria war in 1962), and still exists. And, at last, its cultural and educational bases tend to prove its inner strength of worldwide recognition.

While ridiculous fights against members of opposite parties (or members of the same one), legal cases and economically ominous drug traffic apparently coexist and blot Marseille’s copy book, the answer to many problems lies in this: interacting between all these facts and people is the only way out. Actually, it is quite simple: to grow up and become a brand new important metropolis, all Marseille’s assets have to be as one. Executives then have to create relationships and links between people and districts, understand what the word ‘urbanization’ really means, listen to everyone and let people take a part of the multi-cultural then so rich creation of the evolving city. Instead of remaining in one’s safe and old prejudices, therefore scaring new potential actors who want to be a part of Marseille and live there, one has to prove that a real, economically open-minded place is ready to be built, alltogether, as one. Consequences are essential: with such a development and awareness, the city will be able to expand and shine like a social, academic and main marketplace. Jean Viard proves that such a conclusion is possible, as it has been the case in Lyon, and could also go forward and above an existing urban success. Thanks to an in-depth analysis, this essay is a perfect demonstration of how the town’s dream can become a concrete reality if it gets out of its self-imposed borders, which is an illusion from the past. It is now time to do something about it.

Such a book is intense, human, and most of all, has be written by a man in love with his town and needing to have it back to a leading place, shining like the dying sun on the walls of Notre-Dame de la Garde, Good Shepherd of Marseille.It has to be read by all people who are in love with the city, as well as others, if they want to discover its hidden thus admirable side and reflection.

Raphaël DUPREZ

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Stephen King – Joyland (2013, Hard Case Crime)

Stephen King – Joyland (2013, Hard Case Crime)

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Tout inconditionnel de Stephen King surveille, chaque année, les nouvelles oeuvres du maître sur tous les supports possibles. Et ceux-ci ont été comblés l’an dernier avec pas moins de deux sorties papier. La première, Docteur Sleep, connaîtra le succès que l’on sait et montrera que l’auteur excelle ici dans l’art de la séquelle. La seconde, Joyland, une histoire policière, est publiée par la maison d’éditions de poche américaine Hard Case Crime, créée dans le but de rendre hommage à l’Age d’Or des oeuvres policières de la Seconde Guerre Mondiale à la fin des années 60. Les couvertures sont magnifiques (comme l’étaient, en leur temps, celles de Michel Gourdon pour les éditions françaises Fleuve Noir) et le travail de valorisation des écrits est renforcé par la diffusion d’inédits d’auteurs mondialement connus. Alors, Joyland, roman policier? Non, beaucoup plus.

L’histoire nous permet de suivre le jeune Devin Jones (qui conte ce récit presque 40 ans plus tard), jeune lycéen prêt à rejoindre l’université et acceptant un job d’été dans un parc d’attractions donnant son titre au livre. Le coeur brisé par une rupture sentimentale difficile, il se donne à corps perdu dans son travail, allant même jusqu’à sauver la vie de deux personnes. Son chemin est fait de rencontres qui revêtront une importance capitale lors de son séjour à Joyland (Erin et Tom, Rosalind Gold (alias Madame Fortuna, diseuse de bonne aventure) mais surtout Annie et le petit Mike, qui changeront son existence à jamais). Il apprend par les habitués du site que le meurtre d’une jeune femme a été commis quelques années auparavant dans le Train Fantôme du parc (appelé « Horror House » en version originale) et que la légende veut que l’esprit de la défunte hante les lieux. Bien malgré lui, Devin mènera l’enquête pour découvrir l’identité du tueur, qui n’en est pas à sa première victime…

Résumer l’ouvrage par ces simples mots serait beaucoup trop réducteur tant la valeur humaine et émouvante de ces 300 pages prend le pas sur l’intrigue racontée dans le paragraphe précédent. Avant tout, Joyland est une quête spirituelle, un passage brusque à l’âge adulte fait par un adolescent devenant un homme de par les épreuves qu’il traverse. Plutôt que de tomber dans la dépression suite à sa déception sentimentale, il va de l’avant dans le contexte professionnel et personnel que représente le parc d’attractions, personnage à part entière du roman au travers du langage argotique qui y est utilisé et des caractères qui y sont croisés. Entre doutes et héroïsme, tristesse et volonté croissante, Devin nous emmène avec lui (et par là même, Stephen King) dans les méandres d’un endroit pas comme les autres, reflet des circonvolutions profondes de l’âme.

Joyland captive dès ses premières pages, grâce notamment à la fluidité du récit et à l’identification instantanée du lecteur au protagoniste principal. Chacun est porté par la vérité de chaque mot utilisé, chaque phrase est une invitation supplémentaire à la découverte de nouveaux traits marquants des êtres fréquentant le lieu, huis-clos à ciel ouvert dans lequel chaque cabane foraine réserve ses mystères et ses individus ne se ressemblant aucunement les uns les autres. Stephen King nous entraîne sur de véritables montagnes russes littéraires et psychologiques, révélant que chaque virage, accélération ou descente vertigineuse ne mène pas forcément aux émotions ni conclusions attendues. Et le lecteur d’en redemander, de vouloir faire un nouveau tour, encore et encore.

Cette oeuvre poignante rejoint Le Corps (dans Différentes Saisons) mais également Coeurs Perdus en Atlantide ou les quatre nouvelles de Nuit Noire, Etoiles Mortes, au travers d’un dessin de l’homme dans son inconscient fragile et volontaire. Par l’intermédiaire de Devin, on traverse le temps et les événements en se fondant à l’histoire et ses rebondissements. Plus qu’une invitation, Joyland est le témoignage d’une époque (le début des années 70), des loisirs inhérents à celle-ci et des êtres que l’on pouvait y croiser, si exceptionnels et uniques.

Le livre sortira en traduction française chez Albin Michel au mois de mai 2014. Nul besoin de vous conseiller de vous précipiter pour le dévorer.

Raphaël DUPREZ

Year after year, worldwide Stephen King fans impatiently expect the Master of Horror’s new writings, either available on books or ebooks. And they all have been filled with joy in 2013, as two new books have been published. First one, Doctor Sleep, has been very successful as we know it, and proves that the author is perfectly able to express his art while writing a sequel to one of his books. Second one, a thriller called Joyland, has been edited by the famous US publisher Hard Case Crime,  specialized in selling real pieces of art as a testimony for old books from the 50’s to the end of the 60’s. Covers are splendid (like, in their time, those of Michel Gourdon for French editions Fleuve Noir) and their remarkable work to value these particular and precious objects is reinforced by brand new novels from well-known writers all over the world. So, is Joyland a simple detective novel? Well, not really.

The story is about young Devin Jones (who is, at this time of the novel, 40 years older), a high-school pupil ready to go to University and then accepts a summer job in the eponymous amusement park. Heart-broken because of the girl he loved, he only focuses on his everyday work at Joyland, and even saves two people’s lives. Sudden events are about to have a major importance during all the months he spends in the park: friends Erin and Tom, Rosalind Gold (aka Mrs Fortuna, the place’s fortune-teller) but especially Annie and her son Mike, who will change his life forever. He then hears a story about the murder of an young woman in Horror House and the the legend about her spirit haunting the ghost train. Not knowing what is about to happen to him, Devin begins investigating the case to discover who the killer is, and finally understands that it is not his first victim…

Trying to sum up the whole novel only with such words is too simple and unvaluable, so much human values and emotions inspired by this 300-pages long book stand before the intrigue itself. Above all, Joyland is a spiritual quest, a crosswalk to adulthood, both imposed to a young boy’s life whose summer experience is about to change forever. Rather than falling into a nervous breakdown after losing his beloved girlfriend, he keeps going on thanks to the professional context and staff which the amusement park stand for like real character existing through the slang words its inhabitants are using, as much as their own behaviors. Sometimes doubtful, sometimes a hero, sometimes unhappy then motivated, Devin (and, of course, Stephen King himself) takes us along with him through the park’s darkest places, thus reflecting the deepest passions of human emotions.

Joyland is a masterpiece from the first page to the last one, particularly thanks to its amazing writing flow and immediate identification with the characters. Each one of them is perfectly introduced, each sentence is like a new invitation to take the tour and meet new outstanding people from this original place, behind open-sky closed doors where mysteries and human beings different from each other hide. Stephen King takes us, thanks to this psychological work of literature, for a roller coaster, proving that each turn, acceleration or vertiginous descent inevitably do not lead neither to expected emotions nor conclusions. And each reader asks for another ride, over and over again.

This moving novel can easily be compared to other works from Stephen King, as The Body (in Different Seasons), Hearts in Atlantis and Full Dark, No Stars in the way human beings are described and emotionally  exposed. Through Devin’s character, one is invited to explore places and events while discovering a page of the American History. But more than this, Joyland is a poignant description of the early 70’s, leisures people have had then and also how it has changed their lives forever in an exceptional and singular way.

The French version of this amazing novel will be out in May 2014. So, French readers, go for it!

Raphaël DUPREZ

Toumi Djaïdja & Adil Jazouli – La Marche pour l’Egalité (2013, Editions de l’Aube)

Toumi Djaïdja & Adil Jazouli – La Marche pour l’Egalité (2013, Editions de l’Aube)

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On ressort de ce livre d’entretiens entre Toumi Djaïda, initiateur de la Marche pour l’Egalité et contre le Racisme, et Adil Jazouli, sociologue, bouleversé, tant la confidence dans laquelle le lecteur est plongé tout au long des 150 pages de cet ouvrage hors-norme transmet comme émotions, mais surtout, par l’exemple, comme envie d’accomplir, sur toute une vie ou sur un instant, le chemin parcouru et retranscrit ici.

Le film de Nabil Ben Yadir, sorti à la fin de l’année dernière, a permis de raconter cet événement survenu en 1983, ses circonstances, son but, mais surtout son pacifisme latent. Et, au fur et à mesure de la découverte du livre, ce trait de caractère intense de Toumi Djaïdja ressort et laisse admiratif. De son enfance en Algérie à la fuite en France de cette famille dont le père est Harki, de l’arrivée en région lyonnaise à l’importance de l’éducation prodiguée par les soeurs de Notre-Dame des Sans-Abris, l’itinéraire de l’enfant et de l’adolescent est rude, terrible, mais conté avec une franchise mêlée à une douceur exceptionnelles. L’enfant grandit, devient adulte, habitant maintenant le quartier des Minguettes à Lyon, et rejoint le milieu associatif, désir de vie autant que talent inné. La situation en ce début des années 80 devient tendue dès les événements de l’été 1982, le quartier est sous surveillance policière, la tension est palpable. Jusqu’à cette soirée du 20 juin 1983, tragique, qui sera, en plus d’une grève de la fin de 10 jours au mois d’avril de la même année, le déclencheur de la volonté d’avancer, littéralement parlant. Le drame vécu par le narrateur, tant choquant que dramatique, devient l’étincelle d’un besoin. Celui de faire entendre les voix d’un peuple en quête de reconnaissance et de repères, d’individus qui se battent et se sont battus de chaque côté de la Méditerranée. La marche durera 2 mois, du 15 octobre au 3 décembre 1983; 1200 kilomètres parcourus par une poignée d’hommes et de femmes, accueillis par des centaines de milliers d’autres en cette fin d’automne.

Le livre émeut aux larmes, de page en page. Tout d’abord, par la simplicité et l’honnêteté de Toumi Djaïda. L’homme conte, raconte, dénonce parfois, mais dans une attitude calme et posée. Il parvient à nous montrer son existence avec la foi de l’expérience, la réflexion, une philosophie rares et précieuses. A tel point que le lecteur, abasourdi, se demande comment la colère n’a pas pris le dessus, elle qui demeure pourtant omniprésente mais que la raison fait refluer. La pertinence des questions d’Adil Jazouli laisse une totale liberté de ton et d’expression à son hôte, l’entraîne vers cette confiance sans faille qui permet de dévoiler cette histoire au fur et à mesure de sa progression.

Entre foi en l’homme, quelle que soit sa conviction, sa nationalité, sa religion et témoignage de l’Histoire, La Marche pour l’Egalité est le récit d’une vie dévouée à la reconnaissance, à un combat quotidien pour que la haine ne s’immisce pas dans les âmes de chacun. C’est aussi et surtout une définition exemplaire de ce même combat, de ses enjeux, de ses conséquences, autant qu’une leçon pour la génération que nous sommes. Alors que nous n’avons aucun but, que chaque protestation se fait dans la violence et sans argument précis, que la provocation de tous les bords politiques, religieux et sociaux ne transmet aucun message fort, l’ouverture d’esprit ici présentée, offerte, fédératrice, donne à considérer de nouveaux enjeux, de nouvelles perspectives humaines. Il ne sert à rien de frapper, de gifler, de détruire; il faut construire et militer pour des causes, dans le silence, dans l’action pacifique. Un livre malheureusement difficile à se procurer mais indispensable. Et qui a sa place dans toutes les bibliothèques scolaires. Merci, Toumi Djaïdja.

Raphaël DUPREZ

One comes out from reading this book of interviews between Toumi Djaïdja, leader of the 1983 French Walk for Equality and against Racism, and sociologist Adil Jazouli, amazed, so much one is invited to an intimate and truly confidential moment throughout these 150 pages; it also explores themes like straight emotion, but especially, wishes to achieve, in one’s whole life or maybe for a moment, all the steps described here.

French director Nabil Ben Yadir’s movie La Marche, out in cinemas at the end of 2013, has given Toumi Djaïdja and Adil Jazouli the opportunity to talk about the events which have occurred back in 1983, the circumstances leading to the March itself, what it has been aiming for, but moreover, its latent peace. And, while reading this book, the intense and pacifist way Toumi Djaïdja speaks about it grows stronger and leaves people in total fascination. From his childhood in Algeria to his family’s  sudden arrival in France because of his father’s Harki status, from the first steps near Lyon to the importance of education given by the sisters of Notre-Dame des Sans-Abris, the child then teenager’s growth is  hard, terrible, frankly though exceptionally calmly exposed. Back in 1983, The child grew older and older, became and adult and lived in the district of Minguettes near Lyon, and begun working for an association to help people from his place, with a strong desire to live as much as an inner talent. The situation there in the beginning of the 80’s was tense because of fights between policemen and Minguettes inhabitants in the summer of 1982; the district was under police surveillance, anxiety was everywhere. Until a tragic evening on June 20th, 1983; and this tragedy which occurred to Toumi Djaïdja was, added to a 10-days long hunger strike in April of the same year, the origin of the need to go on, literally speaking. The horrible event this man went through, as shocking as dramatic, became like a starting fire, the strong will to give words and speech to  people in search of recognition and marks in the country they were fighting for in Algeria. The Walk for Equality and against Racism ad been lasting from October 15th to December 3rd, 1983; 1200 kilometers have been covered, from Marseille to Paris, by a dozen people, who were welcomed by thousands in the end of the autumn.

This book is moving to tears, page after page. First of all, Toumi Djaïdja’s kindness and honesty prevail. The man speaks a strong and fascinating language, sometimes blows the whistle on the events, always calm and wise. He is inviting us to share his faithful life, his experience, thoughts, building nothing less than a rare and precious philosophy. Thus every reader, stunned, wonders how he has done not to let anger cover his mind, although ominous but stopped by the power of reason and understanding. Adil Jazouli’s relevant questions give a total freedom of speech and talk to his host, yet takes him through a rare confidence allowing this great man’s story to be told, step by step.

La Marche Pour L’Egalité is about having faith in every human being, whatever his/her convictions, origins or religion might be; it is a testament to History, a confession of a lifetime given to allow people to be considered as who they truly are, an everlasting fight against hatred, for it will no more find a place in people’s hearts. It is also a special and magnificent summary of this same fight, its goals, its consequences, as much as a lesson for the newest generations. Whereas we do not have any reason to demonstrate, we protest aimlessly with violence and no real claiming; politics do not do a thing and provoke this passive-aggressive attitude, religious and social parts do not give a strong and true message anymore. Therefore the open-minded man who stands in front of us here is offering, uniting and suggesting new challenges and new human prospects. One does not strike, slap and destroy for no reason; it is necessary to strengthen and be militants for real causes, silently, peacefully. Sadly, this magnificent book is hard to fine, but it has to be read by everyone. It also should have a particular place in every school library. Thank you so much, Toumi Djaïdja.

Raphaël DUPREZ

Sire Cédric – La Mort en Tête (2013, Le Pré aux Clercs)

Sire CédricLa Mort en Tête (2013, Le Pré aux Clercs)

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Que les choses soient claires : on se gardera bien ici de révéler l’intrigue du dernier livre de Sire Cédric, de peur de gâcher le plaisir que celui-ci donne au lecteur. Tout au plus pourra-t-on évoquer certains des personnages, une trame ici ou là, mais pour le reste, il faudra vous ruer sur l’ouvrage. Oui, vous ruer : car passer à côté de ce nouveau roman serait un crime de lèse-majesté.

On attendait fébrilement ce nouvel acte de l’auteur après la réédition de son premier roman, Angemort, en mars 2013 (excellente œuvre de jeunesse qui est, comme dirait Antoine de Caunes, « chaudement recommandée »). Et le premier qualificatif qui vient à l’esprit lorsque la dernière page est atteinte n’est pas celui que l’on pourrait imaginer (« fantastique », « effrayant », « passionnant »…). En effet, La Mort en Tête est, avant tout, sacrément culotté ! Suite directe des ouvrages précédents de l’auteur, on y retrouve nos héros bien connus, Alexandre Vauvert et Eva Svärta, mais dans une situation que l’on n’aurait jamais pu imaginer une seule seconde : ils forment –enfin ?- un vrai couple, et Eva est… enceinte de Vauvert. Déjà, première surprise et première originalité. Comment penser que Sire Cédric, auteur fantastique (dans tous les sens du terme) reconnu, puisse évoquer ainsi une histoire personnelle et intime dans sa plus grande profondeur ? Car c’est bien d’intime qu’il s’agit ici, et de thèmes que le Toulousain ne nous avait jamais présentés d’une façon aussi dense.

Grâce à une histoire sans temps mort (pour ne pas trop en révéler les tenants et aboutissants, nous nous contenterons de dire que les deux policiers sont les proies d’un tueur aussi méticuleux que machiavélique, proche de tueurs en série réels ou imaginaires dans son mode de pensée et de fonctionnement), Sire Cédric développe des caractères humains rarement lus dans le fantastique français : la filiation tout d’abord, aussi bien entre la grossesse d’Eva et la présence toujours omniprésente de son père. La confiance, troublée par la course-poursuite entre chasseur et victimes, mais que les mésaventures renforcent. La colère dans ce qu’elle a de plus froid, à travers le comportement de Vauvert. Enfin, la notion de couple, son combat au quotidien, littéral ici mais sous-jacent pour chacun d’entre nous, dans une époque où se battre pour vivre sa relation semble totalement démodé. Un bel exemple.

Les couleurs sont alors celles qui sont le plus à même de torturer le lecteur et de le plonger, page après page, dans les méandres de l’inconscient des personnages : le rouge (sang et lave) et le noir (esprit et nuit). Mais, malgré cette obscurité qui prend aux tripes, rebute parfois, mais captive continuellement, la blancheur, la pureté trouvent leurs expressions et permettent de respirer au fond de ce dédale furieux et dérangeant.

La Mort en Tête atteint donc des objectifs jamais soupçonnés : en plus d’une écriture cinématographique sans faille, l’identification à chacun des protagonistes se fait sans aucune difficulté et attire le lecteur dans le gouffre de ce livre dont on ne peut, quitte à ce que cela sonne comme un cliché, se détacher avant d’avoir parcouru la dernière page. Alors oui, des qualificatifs, il y en a : prenant, captivant, incroyable. Mais eux non plus ne sont pas assez forts pour exprimer la fatigue physique et mentale dans laquelle on se retrouve lorsque l’ouvrage est fermé. L’auteur de ces lignes voue un culte démesuré à L’Enfant des Cimetières, du même auteur ; La Mort en Tête rejoint ce dernier, sans aucune difficulté.

Raphaël DUPREZ

http://www.sire-cedric.com

Let’s make things clear: the synopsis for Sire Cédric’s latest novel will not be revealed here, not to waste the pleasure the reader will find in it. We will only talk about some of the characters, or a part of the plot here and there, but for the rest of the show, you will have to go and get the book as fast as possible. Yes, as fast as possible: because not reading this novel would be a huge shame.

One feverishly expected this new book from the author after his first novel, Angemort, was re-published in March 2013 (and, despite what Sire Cédric says about it, it is an excellent one, and well-balanced first tour-de-force; as would French TV showman Antoine de Caunes say, it is “highly recommended”). The first adjective which comes to mind after reading La Mort en Tête’s last page is not the one you could imagine (“fantastic”, “wonderful”, “thrilling”…). Indeed, This book is, above all, extremely cheeky! Directly following the author’s previous works, readers easily recognize their well-known heroes, Alexandre Vauvert and Eva Svärta, but in an original and never-tought-of situation: they now are – finally? – a couple, and Eva is… pregnant. Surprising and original, isn’t it? Thinking that Sire Cédric, who is undoubtedly a fantastic author (in all the meanings of the word), allows himself to evoke a personal history in such an intimate and inconceivable way, could never have been imagined. Because, indeed, all here is about intimacy, and topics that the Toulouse-based writer had never introduced before in such a tenseful way.

Thanks to a no dead time story (in order not to tell you all, all we are allowed to say is that the two police officers will become the preys of a meticulous and Machiavellian killer, reminding us of real or imaginary serial killers in the precise and unpredictable ways he is acting), Sire Cédric develops human characters which readers would never have thought of in French horror literature: family first, thanks to Eva’s pregnancy and the everlasting presence of her father. Then confidence, in the way it is disturbed by the killer’s hunt, but yet reinforced by the long run between him and the heroes. Plus anger at its coldest, through Vauvert’s behavior. Finally, the couple concept and its everlasting fight against routine sounds like a literal but subjacent point of view for each one of us, as the fight for life seem completely obsolete nowadays. An example to keep in mind.

Colors appear in front of the reader’s eyes to psychologically torture him and get him absorbed, page by page, in the empty corridors of the characters’ unconscious; red (blood and lava) and black (mind and night). But, in spite of this breathtaking darkness, Sire Cédric leads us into a continuous feeling of rejection, repulsion, whiteness and purity  which find their way of existing in the book and allow us to breathe for a while in such a furious and disturbing maze. La Mort en Tête thus achieves never-suspected goals: besides a cinematographic and never-failing writing talent, sharing each protagonist’s thoughts can be easily done and attracts the reader in the depths of this book which one cannot, even if this sounds like a stereotype, stop reading until the last page is read.

So yes, adjectives like ‘fascinating’, ‘thrilling’, ‘incredible’ can be used. But they remain too weak to describe both physical and mental tiredness in which one finds oneself when the book is shut. The author of the article you are now reading is a huge fan of Sire Cédric’s novel L’Enfant des Cimetières; La Mort en Tête can easily stand close to it in everyone’s bookcase.

Raphaël DUPREZ

http://www.sire-cedric.com