Monade – Puni (2014, Xtraplex Records)

Monade – Puni (2014, Xtraplex Records)

Monade

Détendre une atmosphère souvent angoissante, laisser le trouble et les craintes s’évaporer, engendrer un mouvement précis, doux et pénétrant dans les connexions cérébrales; l’electro minimaliste et l’IDM en général demandent aussi bien une paix de l’âme propice à la compréhension et à l’extase suscitées par ce mouvement intellectuel et musical complexe, mais également une envie de démonter les mécanismes inhérents au genre afin de le savourer d’autant plus. Les glitches sont autant d’étincelles vivantes, de soubresauts efficaces pour créer les décharges électriques les plus à même de nous laisser entrer dans cet univers apparemment froid et calculé, mais tellement empli d’émotions et de gestes merveilleux et osés. Le compositeur italien Roberto Donato, alias Monade, nous offre, grâce à Puni, un épiphénomène inducteur de sensations délicates et captivantes, une inhibition d’impressions presque visuelles provoquée par les artifices sensibles de ses mélodies et arrangements, de ses expérimentations continues et infaillibles.

Déterminé à laisser parler ses émotions avant d’éprouver la technique indissociable de l’electro, Monade baigne ses titres d’une tonalité ambient rappelant aussi bien Lawrence (87) que Boards Of Canada (Quibus), en n’omettant pas de créer des moments plus sombres mais envoûtants et frôlant l’extase sensorielle (Thymes, Freq 1). Les rythmes sont frottés au papier de verre, âpres et râpeux, grattant les murs poussiéreux de bâtisses écornées et abandonnées dont les plâtres se déchirent et s’effritent. On entend les pas des esprits rôdant dans ces environs vides et solitaires, leurs cris traversant les cloisons en un ultime appel à l’aide salvateur et mémorable de pureté (Ak L). Ainsi, toute l’écoute de l’album se trouve encadrée comme peut l’être un tableau nous remémorant les heures perdues de cités aussi grandioses qu’éphémères, ces Babylone musicales dont personne n’ose franchir les portes majestueuses car gardées par les fers de lance du mouvement, mais qu’il convient pourtant de dépasser pour y apporter sa propre pierre. Cloisonné entre un Little Birth délicieusement dark et le final liquide qu’est Vinics, Puni étend ses univers glabres et drapés de soies déchirées mais conservant une douceur inattendue malgré la corrosion des éléments naturels.

Car il s’agit bien ici de contempler l’éternelle rivalité entre la nature et l’artifice. Ce qui est alors électronique, créé par l’homme, se heurte, comme sur la magnifique pochette du disque, à un ensemble de mousses et de fougères qui semblent devoir être elles aussi pixellisées, mais s’y refuse obstinément. Mélangeant deux mondes en constante opposition pour n’en sortir que les sèves respectives, Roberto Donato apparaît comme un scientifique écologiste enfermé dans son laboratoire et usant des outils les plus modernes pour découvrir les cellules propices à la création de la vie végétale. Car n’oublions pas que Puni est l’eau de vie, une rivière alpine italienne coulant en toute liberté; et c’est ce mouvement, ce torrent et ses énonciations tranquilles ou souvent mouvementées, que le compositeur souhaite mettre en musique. Ainsi, le LP serpente, transperce les roches et descend le long de terres escarpées et miroitantes, vers la lumière et la civilisation, afin d’apporter à son tour sa force vive, son énergie infinie. En 11 étapes, Monade nous fait parcourir ces lieux vierges et les matérialise de la plus belle manière possible.

Puni nous ramène vers ce que l’electro contient de plus évocateur et sentimental. Un disque parfait, à écouter sans modération.

Raphaël DUPREZ

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Relaxing an often frightening atmosphere; allowing disorder and fear to evaporate; generating precise moves; softening and exciting all brain synapses… Minimalist electro and IDM music generally require both a time to relax in order to understand them, and ecstasy that is aroused by such an intellectual and complex art, but also a desire to dismantle all inherent mechanisms of the genre so they can be enjoyed more and more. Glitches are like living sparks and effective jolts placed in the tracks to create the most efficient electric shocks to let us enter this apparently cold and clever universe, but also emotional and wonderfully captivating moments. Italian composer Roberto Donato, aka Monade, offers us, thanks to his new record, Puni, an epiphenomenon which induces delicate and mesmerizing sensations, an inhibition of almost visual impressions caused by skin-crawling pleasures in melody, arranging and neverending experiments.

Ready to let his emotions speak instead of a cold electro mood, Monade wraps his tracks around ambient waves reminding us of Lawrence (87) or Boards Of Canada (Quibus), and never forgets how to create dark but captivating tones of sensory ecstasy (Thymes, Freq 1). Rhythms are rough, raspy and as scratchy as sandpaper, scraping dusty walls of sounds and abandoned buildings where adirty and muddy harmony plaster falls apart. One can hear the steps of spirits lurking around in empty and lonely corners, their screams echoing through the corridors in a final call for help, salvation and well-worn purity (Ak L). Thus, listening to the album is like contemplating a painting frame reminding us of the long lost hours spent in huge and ephemeral cities, a musical Babylon nobody dares to enter by passing majestic doors guarded by the leaders of the genre, but which has to be overcome to bring a new sensational point of view. Starting with the deliciously dark tune Little Birth and ending with the liquid track Vinics, the universe shining through Puni expands under pale veils and silk, torn apart but still showing an unexpected sweetness despite the corrosion of its most natural elements.

Because with this particular album, one is invited to contemplate the ageless struggle between nature and modernity. What is electronic and artificial (meaning, created by men), as one can notice on the beautiful album cover, faces leaves and ferns that do not want to be pixelated. Mixing two worlds in constant opposition to only keep their respective sources of beauty, Roberto Donato seems to be an environmental scientist locked in his lab, making use of new tools to play with the  cells that can be manipulated to create an unknown plant. Let us not forget that Puni means ‘water of life’ and is an Italian Alpine river; and it is this movement, this river and its quiet or sometimes deafening noises, that the composer wishes to perform through his art. Thus, the meanders flowing in the LP run through the rocks, along shiny and dry lands, towards light and civilization to provide a living strength and an infinite energy. with only 11 tracks, Monade takes us to these virgin places and materializes them in the most admirable way.

Puni takes us back to the most evocative and moving electro roots. Therefore, one has to endlessly listen to it.

Raphaël DUPREZ

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Holy Sons – The Fact Facer (2014, Thrill Jockey Records)

Holy Sons – The Fact Facer (2014, Thrill Jockey Records)

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La liberté des musiciens déjà profondément insérés dans le milieu indépendant se trouve majoritairement au milieu de leurs projets parallèles, de leurs tentatives d’exploration de domaines et styles différents. Certains le prouvent de manière assez mainstream (Radiohead) ou plus intime et subtile (The Walkmen), sachant qu’il est surtout compliqué de parvenir à proposer quelque chose d’inattendu, qui ne soit pas un prolongement du genre dans lequel chacun excelle. Emil Amos, éminent membre des Grails et Lilacs & Champagne, poursuit sa route avec Holy Sons, ce projet lo-fi qu’il soigne depuis maintenant une petite dizaine d’années. Son nouvel album, The Fact Facer, contient tout ce qu’il est convenu d’appréhender comme un exutoire, une émancipation des entités auxquelles il participe habituellement; gris et profond, il nous entraîne vers l’ultime passage entre vie et abandon, entre rationalisme et folie, partageant son folk dépressif avec qui voudra l’y accompagner.

Le disque est un démantèlement froid et épuré de tonalités tantôt acoustiques (Line Me Back Up et ses élans psychédéliques, All Too Free), tantôt à la limite de l’électronique façon Arab Strap (Selfish Thoughts). Libéré de ses chaînes mais à nouveau capturé par un démon artistique sournois et omnipotent, Emil Amos déroule de transcendantes histoires aux allures de marche au calvaire (Long Days) ou de délires intimistes poignants et subversifs (Back Down to the Tombs) qui possèdent l’auditeur inexorablement, le déciment moralement afin de mieux l’étreindre. Sans pour autant effrayer, le compositeur ouvre les portes de son univers nocturne, à la lisière de forêts mélodiques denses et dans lesquelles le souffle de la voix appelle à l’accueil des âmes en quête de partage. Symbolisé par ce terreau propice à l’improvisation, cette apparente tendance à poser des arrangements inattendus mais incroyablement fins, le LP est une source d’informations condensées, impromptues et superbes, d’atours en lambeaux qui ne demandent qu’à être recollés et reformés par nos coeurs brisés. Et quand le musicien achève ce trépas créatif par un The Fact Facer magnifique de dépouillement et de sobriété, on demeure bouche bée devant cette inclassable définition du folk, cet incomparable don de soi pour l’excellence dans la douleur morale.

Emil Amos, grâce à cet album, a décidé de se déposséder lui-même de sa propre expérience, de la laisser couler comme le plus mouvementé des canaux lacrymaux afin d’hydrater les visages marqués des fantômes de son existence. En demeurant dans les recoins les plus noirs de sa musique, en étirant les fils de son art pour mieux les démanteler, il offre une collection de lames tranchantes et effilées, un enchevêtrement de folies furieusement contenues et sublimes. Alors que les faciès blêmes et maladifs de patients prêts à l’internement deviennent suppliants et en proie à la lutte entre paix et trouble, The Fact Facer offre plusieurs échappatoires, chacune dépendant du type d’écoute qui sera fourni pour l’apprivoiser. Car c’est une seconde mais primordiale force de ce summum de mélancolie malaisée et fébrile: prendre chacun tel qu’il est, sans forcer à suivre une ligne directrice mais, comme Eels avec Electro-Shock Blues, en ouvrant le champ des possibles afin de s’y sentir en sécurité. Car la rédemption et le partage, sur scène ou simplement en l’écoutant seul, sont franchissables par ce seul pont éphémère mais qu’il faut impérativement découvrir. Et traverser, en se concentrant sur soi-même, pour mieux s’y reconnaître.

The Fact Facer est un LP délicat et rugueux à la fois; une comédie dramatique douce-amère, toujours au bord de l’abîme, mais électrisante et bouleversante.

Raphaël DUPREZ

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The freedom for musicians who already are deeply part of the independent medium can be found in their side projects, their attempts to explore different genres and styles. Some of them easily prove it in a kind of mainstream way (Radiohead) or more closely and subtly (The Walkmen), knowing that it is especially complicated to be able to propose something unexpectable, in opposition to a simple extension of the art they fit in. Grails’ and Lilacs & Champagne’s Emil Amos still goes on with Holy Sons, his own lo-fi project he has been taking care of for almost ten years. And his new album, The Fact Facer, contains every part of his tunes that sounds like an inner system, an emancipation of the bands he is playing with; as gray as intense, the record takes us towards the ultimate passage between life and forgiveness, between rationalism and madness, while sharing the depressive folk tones we will all be taken with.

The album is made of cold and clean, dismantling and sometimes acoustic tones (psychedelic impulses on Line Me Back Up, All Too Free), often close to the limit of electronic Arab Strap-like tunes (Selfish Thoughts). Freed from his creative chains but soon recaptured by a sneaky and artistic omnipotent demon, Emil Amos invokes transcendent stories that sound like a long and painful walk to the edge of madness (Long Days), or intimate, poignant and subversive delusions (Back Down to the Tombs) which inexorably possess each listener, decimating all of them to wrap them into its claws. The fearless composer opens the doors to his nocturnal world, a place of dark forests and melody in which a murmur calls for home to protect our souls and share all we can with them. Symbolized by the fertile ground of improvisation the artist endlessly creates, such a so-called tendency to make unexpected and incredible arrangements turns the LP into a source of information and condense, amazing tracks, or torn pieces of musical flesh waiting to be brought back together to help rebuild our broken hearts. Then, as the musician achieves his creative canvas thanks to the magnificent and soft song The Fact Facer, one remains impressed by his unclassifiable definition of folk music, his incomparable gift of himself to search for perfection into mental illness.

Thanks to this album, Emil Amos has decided to deprive himself of his own experience and let it flow like a current of tears hydrating the ghostly faces of his life. By remaining in the darkest recesses of his music, stretching the thread of his art to better cut it, he offers us a collection of long sharp blades, a tangle of furiously contained and sublime madness. While the pale faces of patients ready to be locked up suddenly become supplicant and experiencing the struggle between peace and insanity, The Fact Facer shows several ways to escape from a daily, boring life, each depending on the type of listening one will provide to tame it. Because it is another primary strength of the ultimate, difficult and feverish melancholy that takes every one of us as we truly are, without forcing us to follow a guideline but, as Eels‘s remarkable LP Electro-Shock Blues, opening an endless field of possibilities to feel safer. Thus, redemption and sharing, on stage or simply by hearing the songs on our own, can be reached only by passing through an ephemeral bridge to find a way out, and crossing it, while focusing on oneself, to see one’s personal and pure reflection.

The Fact Facer is a delicate and complex LP. It is a bittersweet, close to the edge but electrifying and deeply moving drama.

Raphaël DUPREZ

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Ooberfuse – Different Drum/ Anak (2014, Peak Flow Records)

Ooberfuse – Different Drum/ Anak (2014, Peak Flow Records)

Ooberfuse

On les avait laissés devant une porte grande ouverte pour eux, synonyme de progrès de leur musique et de nouveaux horizons, de désirs de se familiariser avec des sons différents, dans des styles qu’il souhaitaient s’approprier afin d’en exploiter tout le potentiel. Bourreaux de travail toujours désireux d’expérimenter et de trouver dans leurs compositions les moyens les plus à même de transmettre leur passion et leur talent, Ooberfuse devait à nouveau avancer, prolonger la magie de leurs choix personnels et artistiques, donner après avoir pensé et posé leurs capacités qui semblent toujours aussi inépuisables. Et, en l’espace de deux nouveaux singles qui, en plus de conforter leurs positions dans le domaine électronique, donnent à admirer de nouvelles perspectives, ils réinventent leur message, leur témoignage d’un genre qui est leur seul véritable média, leur confession, leur force d’imagination. Perfect Drum et Anak, opposés mais pourtant significatifs des dons du duo londonien, laissent l’auditeur fasciné et épuisé, tant leur pouvoir d’évocation d’une identité, toujours remise en question afin de trouver une voie incomparable, est immense.

Dans un tel contexte, Different Drum apparaît comme la transition parfaite entre March of the Downtrodden et Anak, tout en ajoutant une puissance émotionnelle supplémentaire. En effet, bien que reprenant les éléments créatifs du premier, Ooberfuse soigne les éléments constitutifs du titre jusqu’à leur point de rupture. L’electro est complexe et puissamment mélodique, mais c’est surtout sur le travail des voix que l’attention se porte. Multiples et pourtant claires et distinctes les unes des autres, elles véhiculent un sentiment de plaisir intense et profond, une évocation superbe de la reconnaissance de soi et de son rayonnement sur les êtres qui nous entourent. En plus d’encourager à la différence, le groupe contient celle-ci dans le format contextuel, laissant les percussions affirmer pour l’auditeur la volonté de devenir autre et de l’assumer. Terriblement accrocheur et intelligent, Different Drum donne au style des deux compositeurs un aspect intérieur et intime qu’il est pourtant difficile de communiquer au travers des machines, tout en ouvrant la réflexion sur le choc annoncé que sera leur réalisation suivante.

Le risque semblait inconsidéré mais le résultat dépasse toutes les attentes. En s’attaquant à un moment de la musique philippine, à savoir Freddie Aguilar, Ooberfuse s’approprie cette magnifique complainte du fils au père qu’est Anak. Subtile, apaisée et mélodiquement irréprochable, cette nouvelle version n’est pas qu’un simple hommage; elle est un témoignage autant qu’un besoin de retourner aux racines mêmes de la création musicale. Pénétrés par la puissance évocatrice de la chanson d’origine, Hal et Cherrie y posent leur propre atmosphère, leur seule originalité, avec une humilité qui émeut aux larmes. Comme si toutes les musiques précédentes composées par leurs soins devaient irrémédiablement mener à cette conclusion d’un cycle, à ces remerciements autant intimes qu’universels, émotions qui ressortent d’une vidéo incroyable tournée sur les lieux mêmes de la naissance de ce chant magnifique. Rarement le groupe aura été aussi sincère et communicatif dans sa démarche; mais également surprenant et réellement fascinant. Le voyage dans lequel les deux artistes se sont lancés depuis leurs débuts devient une quête profondément humaine, une danse aquatique et cosmopolite autour du feu créatif. Anak, imprévisible et fort, ne peut que susciter les larmes et le respect, éternellement.

Dire que l’on attend les futures oeuvres d’Ooberfuse est faible; tant leur musique, sensible et significative, vient de franchir, en l’espace de deux titres, un seuil pourtant difficile à atteindre.

Raphaël DUPREZ

http://www.ooberfuse.com/

 

The band has been left alone in front of an opened door to the universe of progress and new horizons for their music, ready to go through the immediate desire to play with new sounds and learn how to perfectly perform their art to entirely appreciate it and reveal its huge potential. As two workaholics in constant need to experiment numerous ideas and find all ways to communicate their passion and talent thanks to their creations, Ooberfuse has to go on and prolong the magic of their personal and inspired choices to offer as much as they possibly can after thinking and cleverly considering their never-ending abilities. Thus, with two new singles which, more than only comforting us into their incredible gift of composing electronic music, they simply and amazingly help us admiring original prospects, and a complete reinvention of a genre which is their one and only media as well as their inner confession and power of exhibition. Perfect Drum and Anak first sound quite opposite but, in fact, significantly prove the incredible force of the London-based duet, before leaving us fascinated though exhausted, so much their capacity of a miraculous show of their identity also means questioning everything to find their incomparable and remarkable way.

In such a particular context, Different Drum sounds like an ideal transition between March of the Downtrodden and Anak, even if it also adds a further emotional strength to the previous track. Indeed, while using the same elements of creation as for their previous single, Ooberfuse take huge care of all elements of the song, bringing them to the edges of creation. Performing a complex and admirably melodic electro tune, they have made an amazing work on vocals, which immediately fascinates us. As multiple as clear and distinctive, they induce a deep and intense feeling of pleasure and peace, as well as a remarkable evocation of our inner strength and ability to shine and spread the word to others. More than simply encouraging all differences and originality from every human being, the band empowers its message through a musical shape while allowing rhythms to stand and fight for our desperate need to become and assume who we really are. Catchy and clever, Different Drum brings an unexpected, intimate vision of the composers’ style; a kind of a miracle indeed, as it is quite hard to do it thanks to machines and open people’s minds to such a concept, even if this successful attempt is a perfect introduction to the amazing new single Ooberfuse has given us.

There is a risk in covering a famous song, but the result here is above all that can be expected. While choosing to reinterpret a summit of music from the Philippines, Freddie Aguilar’s most famous song, Ooberfuse appropriates Anak, a wonderful chant from father to son. Subtle, peaceful and melodically exemplary, the brand new version from the band is more than a simple tribute; it is an expression of thankfulness as well as a need to come back to the roots of musical creation. Both moved by the evocative strength of the original track, Hal and Cherrie bring their own mood and talent, their proper originality, with a deeply moving humility, as if all previous and successful attempts from them were meant to lead to the apparent conclusion of a cycle, to intimate and universal greetings that come out of the incredible video shot where this magnificent masterpiece was born. The duet offers us a sincere and communicative gift through their own experience; but also, a suprising and really fascinating one. The journey they have chosen to go for since they have begun making music together thus becomes an admirable, human quest, an aquatic and cosmopolitan dance around an inspiring fire. As unforeseeable as intense, Anak is eternally full of warm tears and respect.

Admiting that we all are waiting for Ooberfuse‘s future works is quite an euphemism; their music is amazingly sensitive and significant and, through these two new songs, it has reached a point of no return. Meaning, we expect greater and more incredible moments with them, again and again.

Raphaël DUPREZ

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James Day – Sculptures/ Peintures/ Médias divers (Sculpture/ Painting/ Mixed media)

James Day – Sculptures/ Peintures/ Médias divers (Sculpture/ Painting/ Mixed media)

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Tout peut sembler obscur ou difficile d’accès lorsqu’il s’agit d’art contemporain; ou caractéristique d’un certain snobisme, également. Tant et si bien que l’on en vient à ignorer ce qui importe le plus en termes d’art pictural et visuel: l’impression, les sentiments provoqués par ce qui est offert. Sans chercher le sens caché des oeuvres, l’individu confronté à la toile, à la sculpture, à l’image se retrouve également face à lui-même, à son appréhension, sans avoir à chercher de causes, de conséquences ni un quelconque message subliminal. C’est ainsi qu’est la représentation: elle donne à réfléchir, mais surtout à percevoir par l’émotion qu’elle suscite. Les réalisations de l’artiste américain James Day accomplissent cet exploit maintenant rare: influer sur la réception d’illustrations grâce à ce qui est offert. Ses créations se contemplent et, ainsi, se touchent par l’esprit, entraînent un besoin de contact afin de sentir les formes, les reliefs, les perspectives.

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Se qualifiant lui-même d’artiste post-cubique, James Day est cela, mais plus encore. Car le genre artistique dont il dépend est uniquement une source d’expression qu’il convient d’utiliser pour s’y développer et en faire naître de nouvelles idées et de nouveaux choix. Ainsi, l’art du créateur est éminemment objectif, ancré dans de nombreuses cultures qu’il transmet au travers de ses sculptures, de ses couleurs, de ses désirs. Comment ne pas penser au témoignage amérindien devant Dreaming et Historic Spring, deux pièces maîtresses du langage qu’il propose? L’homme prend aussi des libertés afin de trouver son expression personnelle: les lignes et éléments centraux sont décalés, isolés afin de rendre la perspective beaucoup plus floue, mais également de focaliser l’oeil sur le détail, sujet primordial de l’exposition. Life Cycle In An Abstract World suit ainsi une diagonale improbable mais accordant au décor autant d’importance qu’au portrait lui-même. Au lieu d’exagérer la déformation, James Day en fait l’instrument de son plaisir et démontre une méticulosité presque acharnée sur l’importance du point, de la couleur et du dénivelé, le cercle remplaçant alors la ligne droite et faussant toute idée de symétrique pour mieux admirer chaque forme, chaque aspect de l’image.

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L’idée de cycle demeure une constante dans l’expression globale de James Day. En plus de proposer un concept graphique humainement puissant et identifiable parmi de nombreux autres, il invoque un phénomène de répétition autant qu’un isolement, un repli sur soi qui est le propre de chaque artisan. Life Cycle résume à lui seul les deux visages humains que chacun rencontre durant son existence, mais aussi les phases vitales du passage sur terre, l’éveil de l’enfant et la mort de l’adulte. Ces courbes graduelles mais profondément harmonieuses du corps autant que de l’esprit prennent une signification révélatrice de ce besoin de comprendre, d’analyser autant que de donner à l’urgence, au besoin de réponses intérieures. Regarder la palette de l’artiste, c’est également assister à un périple, une quête non pas initiatique (ce serait trop classique et facile) mais réflexive d’un objet psychique dans lequel les expériences et déformations de tout homme se refléteraient. Confronté à cette révélation, chacun va alors se concentrer sur les signes les plus représentatifs d’un état d’esprit, d’une connaissance de soi qui amène à la sincérité et au découpage de l’esprit pour le reconstruire. La spirale devient alors une voie à emprunter, devant laquelle on se recueille avant de s’y noyer. Assumant ces deux faces de la personnalité, James Day les offre aux regards actifs pour susciter la réaction épidermique de l’individu.

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Il y a beaucoup à dire sur ce magnifique et intemporel parcours auquel nous invite James Day. Mais, avant tout, il convient d’admirer sa passion et son envie constante de transmettre la vérité d’une vision parfaite de l’humanité à chacun d’entre nous.

Raphaël DUPREZ

https://twitter.com/JamesDayArt

 

Most of the time, when one thinks of contemporary arts, all seems pretty obscure or difficult to get to; it is even sometimes characteristic of snobbery, so that most people tend to ignore what is the most important meaning of pictural and visual works: feelings and thoughts about all that is offered to the eyes. Without always searching for a precise sense, one can only stand in front of a sculpture, a painting, but also in front of oneself thanks to this specific media, close to one’s apprehension, without looking for causes and consequences or any kind of subliminal message. So is the exhibition of the artist’s talent: it is an entire source of meditation and understanding of the emotion itself. US creator James Day’s masterpieces easily prove it: he takes us for a safe journey into receiving all that his magnificent illustrations are giving us. It is a global idea of contemplation and caress of our minds to lead us to the strong desire of having a physical contact to touch shapes, textures and perspectives.

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Considering himself as a post-cubism artist, James Day can be seen as a much more superior maker. Because the artistic genre he depends on is simply a source of expression that he uses to develop brand new ideas and give birth to amazing choices. Thus, the creator’s talent is obviously subjective, exploring many cultures that he has decided to meditate on through sculptures, colors and desires. How can anyone not be thinking of Indian-American relics while watching Dreaming and Historic Spring, two standards of an original language he is giving us? The maker also gets free to discover his own capacity of communication: lines and central elements are out of focus and isolated to value a blurred but pure vision of the complete work, and lead the eye on primordial details. Life Cycle In An Abstract World evolves diagonally and mysteriously, while the picture and all its inner elements are both as important as the figure itself. Instead of exaggerating distorted shapes, James Day draws lines to improve a fascinating and meticulous care for point, color and moving shadows. The circling visions then replace straight lines and erase any symmetry to let us admire each contour and appearance of the real hallucination he is confronting us to.

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The idea of an everlasting cycle is constantly introduced in James Day’s global concept. More than only offering a humanly powerful graphic meaning and an incomparable texture in his work, he invokes repetitive phenomena as well as a strong need for isolation, an urge to be artistically and publically alone. Life Cycle is a perfect sum-up for both human faces each one of us is daily confronted to, and the vital phases we travel through in a lifetime, from awakening to death. Such gradual but deeply harmonious curves of bodies and minds are marvelously significant once we need to understand and analyze the numerous answers that we all can reach only by contemplating all that is surrounding us. As anyone needs to focus on the admirable wide range of the artist’s capacities, one has to accept a perilous but exceptional journey, an initiation confronting us to a mirror reflecting our own experience and deforming our soul’s most representative characters and self-insurance before facing sincerity and tearing out our so-called knowledge in order to reconstruct it. The affective spiral we see is now a way to the truth, where we rest and think before drowning in it. Totally assuming both sides of a human being, James Day offers them to a reactive audience and provokes a knee-jerk reaction for everyone involved.

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There is much to say about James Day‘s magnificent and intemporal masterpieces. But, above all, one has to admire his passion and constant wish to artistically pass a true vision of mankind on everyone of us.

Raphaël DUPREZ

https://twitter.com/JamesDayArt

Missiles of October – Don’t Panic (2014, auto-production/ self-produced)

Missiles of October – Don’t Panic (2014, auto-production/ self-produced)

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L’un des plaisirs solitaires les plus intéressants de l’écrivain de chroniques musicales amateur, voire le plus intéressant et déstabilisant en même temps, est d’écouter un disque qui est immédiatement considéré comme radicalement inclassable. Lorsque les titres s’enchaînent sans qu’aucune influence notable ne ressorte du lot, ou qu’une tentative inutile de reproduction à l’identique de groupes préexistants vienne entacher le résultat final. Et, dans ce cas précis, l’écoute devient passionnante; car on sait, dès les premiers accords, que l’on tient une exception majeure qui s’immisce dans le cerveau, qui excite les neurones et donne envie d’en savoir plus. Missiles of October fait partie de ces entités qui brouillent les repères et laissent une fureur qui leur est propre s’exprimer à la perfection. Don’t Panic, leur nouvel album, est indéfinissable, tant leur originalité domine tout au long du LP. Il est alors inconcevable d’affirmer qu’il y aura un avant et un après; il est unique, étrange et profondément addictif, et c’est tout ce qu’il est utile de savoir.

Dans un tel cas de figure, il est difficile est dispensable d’essayer d’assimiler le groupe à un genre particulier, mais plutôt de voir en quoi il se démarque et s’affirme comme novateur et captivant. Le constat est sans appel dès les premières secondes de Don’t panic; loin de ne proposer qu’un rock insipide ou un punk décérébré, le trio soigne ses riffs, les grave dans la chair et leur donne une dimension colossale et dévastatrice. Laissant la violence contenue de leur musique effleurer les contours de chansons marquantes et percussives (Wannabe, Dead body), ils laissent éclater les os fragilisés des squelettes de leurs placards respectifs, dans une déferlante de sons lourds et dévastateurs, chassant tout semblant de bien-pensance. Le plaisir doit être immédiat et assommer l’auditeur, donner autant envie de se laisser compacter l’esprit dans un étau de fureur mais aussi d’intelligence et de soin apporté au son, éprouvant et revêtant une apparence tangible phénoménale et épuisante. Aucune place n’est laissée à l’oxygène (Two feet in sludge) ou au repos, le rouleau compresseur ayant échappé à tout contrôle et avançant inexorablement pour broyer les muscles et les boîtes crâniennes (Cheerleader). Le disque ne fait pas que remplir son rôle de montée exponentielle vers le chaos; il est l’effusion de sang et de sueur, il désoriente et fonce tête baissée, libéré de ses chaînes tout en étant parfaitement maîtrisé, dans les profondeurs infernales de l’infection et de la contamination des âmes.

La colère qui émane de l’ensemble devient immédiatement le caractère le plus frappant (dans tous les sens du terme) des compositions de Missiles of October. Sous de fausses apparences de structure harmonique, le groupe laisse éclater ses idées les plus intenses au travers de voix hurlées mais parfaitement dosées pour compléter les titres (Music for hangover, Become an asshole). On écoute alors Don’t panic avec ce sentiment oppressant mais jouissif que nos yeux vont exploser, nos tympans être réduits en miettes et nos corps se décomposer. L’expérience est physique, éprouvante et intense, sans pour autant devenir lassante. En effet, tout ici est injecté progressivement, lentement, pour mieux pénétrer les organes vitaux et s’y immiscer, s’incruster sous la peau et envahir chaque cellule. On assiste à un véritable baptême du feu, mais dans lequel il faut se consumer entièrement pour ressentir la formidable énergie qui fait bouillir nos veines. Là où d’autres se seraient contentés de n’exécuter qu’une succession de chansons débridées mais, disons-le clairement, bordéliques, les compositeurs répandent leur poison pour mieux désorienter sans que cela devienne un trouble qui donnerait la nausée. Toute la force de conviction du disque réside dans ce constat sans appel: quoique l’on fasse, il est inconcevable d’échapper au raz-de-marée bruitiste et calculateur qu’il représente. Alors on reprend son souffle et on replonge dans ces eaux saumâtres avec une satisfaction inépuisable.

Don’t panic est viscéral, primitif et diabolique. Un album vivant et cruellement addictif.

Raphaël DUPREZ

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One of the numerous listening pleasures for every amateur music critic, one of the most interesting though quite destabilizing parts of such a pleasant job lies in the fact of hearing albums about to be immediately considered as radically unclassifiable. As tracks play one by one and none of them sounds influenced by any other existing band, or like a useless attempt to perform the same tunes as well-known entities, nothing can soil the perfect experience one finds in this incomparable ecstasy. Thus, discovering such an LP is exciting; because, from the first tones, one understands that it is a major exception ready to pollute one’s brains, stimulate neurons and cause an incredible urge to know more. Missiles of October is part of these weird creators who are able to blur marks and perfectly express their proper furry. Their new record, Don’t Panic, is quite undefinable, so much it is more than original and powerful. It is then impossible to admit that there will be something before and after this masterpiece: it is unique, mysterious and deeply addictive, and this is all you need to know about it.

In such a case, it is hard and dispensable to try admitting that the band is playing one particular genre, but, on the contrary, one has to consider how they are apart from any style and able to affirm their captivating and innovative art. This main, undeniable fact can be heard from the first seconds of Don’t panic; far from any useless rock or brainless punk music, the trio takes care of its guitar riffs, carving them in one’s flesh and performing them within a huge and devastative dimension. As they let a constant inner violence caress the shapes of striking and percussive songs (Wannabe, Dead body), they also crush into fragile, hidden skeletons in their respective closets, destroying them thanks to heavy and explosive sounds apart from any relevance. Pleasure goes straight to the heart and mind before knocking us out and provoking a desire to feel one’s brain being pressed into a frenzy but clever and meticulous vice, defining a phenomenal though exhausting form. There is no space for air or a good rest here (Two feet in sludge) as an out-of-control melody stream roller is driven to tear all muscles and skulls to pieces (Cheerleader). The record stands for an exponential rise to chaos; it is a burst of mixed blood and sweat disorienting us, going faster and faster, free but perfectly lead to the infernal depths of infection and contamination of our souls.

The inner wrath contained in the album immediately appears to be the most striking element of all songs from Missiles of October. Wrongly supposed to be structured in harmony, the band’s effort is a false moment of calm before the storm, when the most intense ideas are deconstructed through perfectly performed screams, ready to complete all tracks (Music for hangover, Become an asshole). One thus listens to Don’t panic with an oppressive but brilliant impression that eyes are about to explode, ears to be smashed to bloody bits, and bodies about to rot. The experience here is physical, improving and intense without ever being boring. All is indeed progressively, slowly injected to better penetrate all vital organs and pry into them, or crawl under the skin and invade every cell. One is confronted to a baptism of fire where the only way to feel the amazing energy, keeping one’s veins boiling, is being entirely consumed. Whereas others would only have created messy pieces of music, the composers spread their virus so it disorientates us, though without becoming a nauseous and painful waste of time. The convincing strength of the LP lies in such an undeniable fact: whatever we do, it is inconceivable to try escaping the noisy and calculative tidal wave it truly is. So, let us take a long breath before going back down with an insatiable need to enjoy it.

Don’t panic is a visceral, primitive and devilish, alive and barbarously addictive album one has to hear before the end of times.

Raphaël DUPREZ

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Elskavon – Reveal (2014, Anthem Falls Music)

Elskavon – Reveal (2014, Anthem Falls Music)

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La limite musicale entre post-rock et ambient est ténue, voire souvent inexistante. A l’écoute d’artistes pratiquant ces deux styles moins différents qu’il n’y paraît, on est tenté de dire qu’ils se ressemblent avant de basculer, nécessairement, d’un côté plutôt que de l’autre. Cette forme de radicalisation du choix harmonique transparaît immédiatement si l’on ne prend pas garde à cette frontière infinitésimale, ce fil prêt à se rompre au moindre écart de conduite. La seule solution possible devrait alors être soit de faire hurler les guitares, soit d’abandonner toute agressivité, qu’elle soit rythmique ou saturée. Elskavon, cependant, a décidé avec ce nouvel album de prouver qu’une cohabitation était possible, avec un résultat surprenant et qui remporte l’adhésion. Un pari risqué puisqu’il s’agit de prolonger les découvertes de son LP précédent, tout en s’engageant sur d’autres voies mélodiques sans y perdre son âme. Et il y parvient de manière véritablement admirable.

Reveal est un album constitué de dilemmes et de solutions originales et magnifiques permettant de les résoudre. En décidant de donner à l’ensemble du disque une atmosphère de liberté dans laquelle chaque instrument se voit confier sa propre responsabilité autant qu’une place primordiale dans le déroulement des passionnants événements qui s’y déroulent, Elskavon réconcilie des ambiances contradictoires et invente, purement et simplement, une nouvelle forme d’expression artistique. En effet, alors que les premiers titres sont d’une beauté et d’une intensité lumineuses qui n’auraient pas dénoté dans un album de pop actuelle (Imprints et Letting Go seraient deux formidables introductions à des chansons de Coldplay), le compositeur développe une capacité phénoménale d’union entre les opposés; adaptant les sonorités éthérées de Brian Eno (Behind Narrow Eyes) à des guitares et percussions douces et sensibles, il laisse brusquement retentir des passages plus profonds, presque proches de This Mortal Coil (April Rain) ou Labradford (Linn). Ces influences pourtant présentes ne sont que des miroirs déformants des capacités d’expérimentation du musicien; notamment lorsqu’il appelle à l’aide boucles rythmiques et pistes inversées sobres mais admirablement fondamentales, cherchant alors à ancrer son art dans de nouveaux méandres alors inconnus de l’auditeur. Car au-delà de la simple tentative, Chris Bartels, tête pensante de l’entité à l’oeuvre sur ce LP, dénoue les fibres de ses pairs afin de coudre son propre canevas, son véritable tableau de maître.

Tout le mystère de l’oeuvre devient alors évident à l’écoute du magnifique Wishes, pièce charnelle dans laquelle le piano parle et supporte à lui seul l’intégralité de l’enregistrement. Dépouillé et seulement accompagné de quelques nappes synthétiques, l’instrument divague et se fait intime, nous entraînant vers des terres nouvelles de la part d’Elskavon. Lorsque la nuit tombe après le mémorable coucher de soleil auquel nous venons d’assister et que ces notes voltigent sous nos yeux admiratifs, tout se métamorphose et se modifie, aussi bien notre perception globale du travail accompli que la réalité de l’univers qui nous entoure. Ouverture parfaite du Solitude final, de cette révélation entre electro subtile et blues déliquescent; l’ensemble de ces deux pierres angulaires provoque une extase presque subliminale, un plaisir dans l’isolement qui devient une évidence autant qu’une nécessité. Reveal n’est pas un LP comme les autres; il est ailleurs, éclairé et humain. On frôle ses contours comme on caresse une peau, doucement, sensuellement. On le laisse nous réchauffer sans résistance. Mais plus que tout, on le respecte, étonnamment; comme ces statues fragiles que l’on n’ose toucher, ces figures de cire qui peuvent soudainement se briser et que l’on chérit et protège pour ne jamais les abîmer. Il devient alors notre bien le plus précieux, l’unique objet de nos sentiments les plus sacrés.

Reveal est un magnifique compagnon de route dans les moments les plus reclus de nos existences. Une bougie qui ne s’éteint jamais et qui nous réchauffe quand tout semble perdu et sombre.

Raphaël DUPREZ

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The musical frontier between post-rock and ambient tunes is quite thin, if not unreal. While listening to bands or artists performing these two not-so-different styles, one could easily say that they first look the same before swinging to one side or another. This apparent radicalization of a conscious choice of harmony can immediately be heard if musicians do not clearly understand how tiny the limit is, and that the thread between both genres can consequently break if they forget about it. The only reasonable decision, apparently, would be either choosing to let guitars explode or giving up every rhythmical or overdriven sort of aggression to appease the global sound of every track. However, Elskavon has decided to prove, thanks to his new album, that allowing the two opposite sides of aerial music to join in a single source of inspiration and work, thus concluding in a fantastic and federating result, can be reached. His gamble seems quite risky, as he has to go further the ethereal parts of his previous LP while exploring new melody ways of creating at the same time, without losing his mind. But he perfectly and admirably succeed in it, in many amazing ways.

Reveal is made of original and wonderful dilemmas, and clever solutions to solve them. While deciding to let the whole album shine in a free environment where every instrument gets its own, primary place and responsibility in all the events that are happening in our minds and ears, Elskavon reconciles all contradictory moods, and purely and simply invents a new form of artistic language. The first tracks are indeed made of so much beauty and delicate intensity that they could be heard in any actual pop record (Imprints and Letting Go could be perfect introductions to a Coldplay song); but the composer still develops a phenomenal ability to unite opposite genres by combining Brian Eno’s ethereal tones (Behind Narrow Eyes) with sweet and sensitive guitars and percussions, and then letting deeper moments close to This Mortal Coil’s (April Rain) or Labradford’s (Linn) soft delicacy melt into each other. Nevertheless, all these influences are only deforming mirrors of the musician’s capacity of experimentation; notably because of his captivating need of quiet but remarkably essential rhythmical and inverted loops leading to a brand new way of understanding art from another world. Further more than a simple attempt to materialize his numerous ideas, Chris Bartels unleashes all fibers from a common, sublime harmony canvas to realize his own masterpiece.

All the mystery surrounding the record finds its answers through the magnificent track Wishes, a quiet and almost carnal moment when piano talks and gets its central place in the whole work of the composer. Slow and only supported by discrete synths waves, the instrument travels through the limbs and becomes intimate before taking us to the undiscovered lands of Elskavon’s inspiration. As night falls after sundown and tunes fly in front of our teary eyes, all shapes change and evolve, our entire vision of the LP and the reality of the universe we are in melt into quiet times. The piece is a perfect overture for the final one, Solitude, a revelation oscillating between subtle electro and deliquescent blues tones. These two amazing instants create a subliminal ecstasy, a pleasure in loneliness that becomes obvious and necessary. Reveal is an incomparable LP; it is from another space, it shines and reflects pure humanity. One touches its core as if sweetly and sensually caressing one’s skin. One lets it languorously spread its warmth. But, above all, it is a work one has to respect; like a fragile statue no one dares to touch, like a wax figure about to break and that one cherishes and protects so it can never be damaged. It then becomes our most precious treasure, and the unique object of all our sacred feelings.

Reveal is the most important companion one can have at one’s side on the long road to the intimacy of existence. It is a candle comforting us, never going out and shining into the darkest halls of our lives.

Raphaël DUPREZ

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Future 3 – With And Without (2014, Morr Music)

Future 3 – With And Without (2014, Morr Music)

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Depuis la fin des années 90, la musique électronique évolue constamment, sans que l’on puisse imaginer qu’elle s’achève un jour, par lassitude ou manque d’intérêt de la part du public ou de ses créateurs. Alors que notre époque est propice à un désir d’immédiateté de la part du public, un besoin d’exulter rapidement, le rock renaît de ses cendres, revenant de ses années noyées dans des albums trop polis pour être honnêtes. Pendant ce temps, l’émotion et le temps passé à se laisser submerger par des sonorités plus douces ou sombres, popularisées par Boards Of Canada ou Massive Attack, continuent de hanter les auditeurs dont le besoin premier est de ressentir l’excitation dans la plénitude, l’extase dans des cliquetis et vagues synthétiques rendant l’art plus proche de l’âme humaine, de la psyché en manque de bien-être. Le trio danois Future 3, après 13 longues années d’absence, nous revient avec ce même objectif: rêver, se laisser pénétrer par de profonds titres évocateurs et aériens remarquablement mis en forme. With And Without, leur dernier LP, est tout simplement sublime et intelligent, mais recèle également une part d’ombre qui donne à l’ensemble un côté encore plus passionnant.

Il est difficile d’imaginer qu’un disque puisse révéler une dichotomie aussi troublante dans son expression. Loin de simplement séparer les titres chantés des instrumentaux, le groupe amène également une césure qui n’est pas brutale mais apparaît au fur et à mesure des écoutes. With And Without est une descente, un passage de la lumière au brouillard, de la sérénité à la perte de repères. D’abord angéliques, les morceaux revêtent des apparats masculins (grâce à la voix de Benoît Pioulard, d’Orcas) et féminins (avec la collaboration de Anja T. Lahrmann) propices à créer cette distance entre les genres: alors que Mmn et Revenants apaisent, voguant sur les mêmes mers que Mark Kozelek et Jimmy LaValle, Signature, Roller Coasters et Seen rassurent, plus electro et downtempo, mais possèdent un aspect artificiel qui augmente leur impact, amenant progressivement vers le bord du précipice sans pour autant y entraîner l’auditeur – ce qui ne se produira jamais malgré la tentation. La luminosité qui émane de chaque mélodie, magnifiée à la perfection dans Fair et August, chefs-d’oeuvre d’humilité irréelle et fascinante, décline au fur et à mesure de l’avancée inexorable des harmonies, alors que les éclairages montrent leurs premiers signes de faiblesse.

Transitant alors entre la pénombre et la disparition du monde physique pour acquérir la connaissance, l’auditeur traverse une phase de décompression, un passage obligé par l’épuration du corps dans son caractère le plus froid et synthétique. O/A et Camphor, gardiens de la décontamination, introduisent de manière calculatrice le déchaînement de sentiments mélancoliques sur le point de déferler. On traverse les trois derniers titres de l’album comme on fait un travail de deuil; après le soulagement vient l’absence, la perte de l’être cher, et la prise de conscience de la disparition. With And Without arrache à chacun de nous la peine et provoque la solitude de l’âme nécessaire à cette quête des disparus, ces fauteuils vides que l’on contemple sans accepter la réalité. Le moment où l’on souhaite le retour de l’esprit qui nous a quittés, ce lapse de temps qui écarte l’espoir de la résignation, baigne l’atmosphère de Trmbns et Return, introduisant la longue plainte somptueuse de Figure et plongeant chacun dans un état second aussi violent que terriblement magnétique et émotionnellement puissant. Future 3, en l’espace de ces quelques minutes, transmet une expérience intérieure fulgurante et exceptionnelle, un chemin vers la rédemption qui n’a jamais été emprunté auparavant.

With And Without est une pièce maîtresse de nostalgie autant qu’une oeuvre purificatrice incomparable. Il sera définitivement difficile de retourner à la réalité après un disque aussi passionnant.

Raphaël DUPREZ

https://www.morrmusic.com/artist/Future 3/release/2124

https://soundcloud.com/systemfuture3

From the end of the 1990’s, electronic music has constantly been evolving and still does, as no one can possibly imagine that it will end someday in case both audience and creators would get bored or uninterested by it. Even if present and future are made of a certain need fom immediacy and urge, a desire to quickly sort things and feelings out, rock is back from its ashes and from years of too arranged and clean textures defying its proper definition. In the meantime, emotion and hours of listening to different, sweeter and darker sounds, once made popular thanks to bands like Boards Of Canada or Massive Attack, still haunt the listener’s wanderings about a primary desire to find excitement in laziness, or ecstasy in glitches and synths waves bringing their souls close to the human psyche. After 13 long years, Danish trio Future 3 is finally back with one simple goal: dreaming and allowing us to get impregnated by their deep, evocative and aerial tracks. Their new LP, With And Without, is obviously sublime and intelligent, but also contains a dark side bringing a more passionate mood to the continuity of their art.

It is thus quite hard to imagine how a simple album manages to reveal such a troubling dichotomy through its own language. Far from only splitting songs from instrumentals, the bands also separates the different ways of understanding the whole record, little by little. With And Without is a slow way down, a transition from light to mist, from certainty to a complete loss of marks. First angelic, all pieces go from a male point of view (thanks to OrcasBenoît Pioulard’s vocals) to a female one (with songs featuring Anja T. Lahrmann), both suitable to create a distance between genres; then, as Mmn and Revenants manage to appease us by sailing on the same seas as Mark Kozelek and Jimmy LaValle, Signature, Roller Coasters and Seen are reassuring, electro and downtempo tunes containing a more artificial mood that increases their straight impact while progressively taking us close to the edge without ever going irremediably down, and never wanting to. Brightness comes out of each melody and is magnified through Fair and August, two masterpieces of surreal and fascinating humility, before fading out side by side with harmony, as lights softly die out.

Going from the shadows and the disappearance of the real world to gain knowledge, one goes through different stages of decompression and an inescapable, cold and automatic passage in the purification of bodies. Introducing melancholy that is about to happen in a calculative way, O/A and Camphor are like guardians of decontamination as well as lighthouses in the rain. One listens to the last three tracks of the LP as if they were the origin of the saddest grief; after confidence comes the terrifying absence, the loss of someone, the awareness of the missing one. With And Without takes the sorrow out of us, provoking a necessary loneliness of the soul to search for the ones who are gone and contemplate the empty chairs they have left in front of our eyes, while we do not accept this dreadful reality. Trmbns and Return enlighten the moment when one wishes for the soul of the disappeared to come back, the lapse of time when resignation swallows hope, and introduce the long last complaint of the album, Figure, which ends up getting us in a violent but terribly magnetic and emotionally admirable semi-consciousness. With only 12 tracks, Future 3 brings a meteoric and exceptional experience to life, a road to redemption that has never been crossed before.

With And Without is a masterpiece of nostalgia as well as an incomparable, purifying work of art. One will never be the same after listening to it, over and over again.

Raphaël DUPREZ

https://www.morrmusic.com/artist/Future 3/release/2124

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Nekro – Singles (2011-2014, auto-production/ self-produced)

Nekro – Singles (2011-2014, auto-production/ self-produced)

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Rébarbative pour certains, ennuyeuse pour d’autre mais surtout diablement entêtante pour ses fans acharnés, la musique electro minimaliste a cette capacité inhérente de ne laisser personne indifférent. Sans aucun avis mitigé, sans laisser le doute quant au fait de l’aimer ou non, elle fait cependant réagir, d’un extrême à l’autre. Et les craintes des premiers sont aussi importantes que l’addiction des seconds; soit elle apparaît comme une forme d’expression artistique dénouée de tout sens ou de tout intérêt, soit elle est terriblement addictive et entraînante, taillée pour les pistes de danse et les transes possédées alors que la lumière s’éteint. Les titres de Nekro s’inscrivent dans cette catégorie, pour une raison assez simple: ils cherchent, sur des structures mécaniques et artificielles dépouillées et directes, les samples les plus susceptibles de créer la surprise et la ténacité, de stimuler les jambes et le hanches autant que l’intellect. L’artiste nous emmène, depuis maintenant trois ans, dans ces méandres calculateurs et convaincants, issus d’une imagination qui semble intarissable.

Nekro crée ses musiques comme on bricole les rouages d’une horlogerie souple et solide. Il cherche les rythmiques les plus naturelles, les moins complexes (Syntax) pour mieux y adapter les boucles atonales d’échantillons sonores oscillant continuellement entre mélodie et atonalité. On peut ici pratiquement parler d’electro progressive: aussi bien en considérant le chemin parcouru depuis 2011 et l’évolution continue de chaque exemple sonore. Découpant les harmonies et tranchant dans le vif afin d’apporter aux éclats synchroniques leur luminosité fondamentale (Grunge Boy), il orne ses thèmes d’extraits apparaissant au premier abord comme anachroniques (Nyan, Do That Tyler) puis révélant leur véritable importance. Les basses synthétiques épousent les formes chaloupées et légères de sons épurés et obsédants (Diamonds, Jet Set Future) avant de plonger l’auditeur dans des passages plus hypnotiques et racés (Frantic!, Resistance, en duo avec Lapin Lover). L’illumination et l’intelligence impulsives du bricoleur de génie qui nous apparaissent ici deviennent alors plus grandes et intrigantes, plus subtiles et impressionnantes. Et, en revenant dans le passé pour contempler sa carrière, on constate que le son a été lissé, pensé sur des bases fondamentales, sensuelles et pourtant d’une énergie incroyable, frôlant continuellement la deep house ou l’influence du remix dont il est coutumier (Cemetery Courts, Matafact). Plutôt que de se réinventer, Nekro demeure en quête de la perfection de sa technique et de ses inspirations, gardant précieusement les armes qu’il s’est lui-même fabriquées.

Ainsi, la musique technologique du compositeur revêt un caractère humain sous-jacent, une pulsation fine et sensible qui diffère d’autres productions du même genre. Ecoutant d’abord l’essence brute des archives qu’il doit et veut explorer, il en recueille la source la plus à même de bercer les âmes autant que de les motiver. Continuellement en équilibre précaire entre fondations musicales et impulsion robotique des percussions, il conçoit ses entités métalliques avec conscience et précision, modifiant les dérivations et insufflant une électricité créatrice sensationnelle et magnifiquement dosée. En faisant intervenir des nappes de claviers brèves mais redoutables, il humanise les circuits hydrauliques de ses pistes, les déclenche et les laisse alors vivre et conquérir. Aussi fébriles en premier lieu que toxiques dans les secondes qui suivent, les titres se répandent comme un virus d’abord bénin puis rapidement malin, contaminant les muscles et les synapses pour provoquer les mouvements saccadés de corps réduits à la soumission. Nekro simplifie afin de mieux captiver; au lieu de trop arranger, il injecte parfaitement et scrupuleusement les bribes de son propre langage pour immédiatement créer un sentiment d’unité de l’ensemble de son oeuvre, ainsi qu’un adhésion totale à sa démarche inventive et osée.

Nekro propose une expérience radicale mais exemplaire, précisément construite et volontaire. De quoi réconcilier les sceptiques avec les machines.

Raphaël DUPREZ

https://soundcloud.com/kcnekro

https://www.facebook.com/NekroOfficial

 

Seemingly off-putting for some of us, boring for others but, most of all, devilishly heady for its fiercest fans, minimal electro music has an inner capacity not to let people indifferent to it. Without any average opinion or allowing any reason to doubt of loving or hating it, it is a common source of extreme reactions. Thus, one’s fear of it equals the others’ addiction; either it appears to be a kind of senseless or uninteresting form of art, or it is a terribly mesmerizing and catchy mood which is perfect for dancefloor parties or possessed trance once the lights go out. Nekro’s tracks are a perfect illustration for both of them, for many reasons: the composer constantly looks for the most interesting samples to initiate surprise and motivation, helping legs and bodies shake as well as brains, while playing frank and straight, mechanical and artificial structures. For three years, he has been taking us to the calculative and convincing meanders of his inexhaustible imagination.

Nekro composes music as one would fix all the inner workings of a delicate but impressive clock. He always tends to find the most natural and less complex rhythms (Syntax) to better adapt astonished loops of melodic or out-of-tune samples. One could possibly admit that his sounds are a kind of progressive electro experience: thus, such a continuity can be found in the work he has been doing since 2011 but, moreover, in the endless selection of every harmony example he has been giving us. Cutting tunes to the core to bring a subtle light through elemental tones (Grunge Boy), he decorates extracts from multiple themes that first sound anachronistic (Nyan, Do That Tyler) but soon reveal their primordial importance. Synthetic bass gets united to the swaying shapes of clean and obsessive noises (Diamonds, Jet Set Future) before taking us into hypnotizing and classy atmospheres (Frantic!, Resistance featuring Lapin Lover). The clever, impulsive intelligence of the creator then grows bigger and more intriguing, sweeter and more impressive. Basically, when one goes back in time to consider his whole career, one notices that all tracks have been made cleaner and efficient while being put, little by little, on an essential, sensual and incredible energy close to deep house and remixing influences (Cemetery Courts, Matafact). More than only reinventing his work, Nekro endlessly aims to find perfection in his technique and inspiration by preciously using the musical weapons he has especially built.

Thus, the composer’s technologic music gets a subjacent human concept, a thin and sensitive impulse taking us far away from the kind of music that is usually done with this genre. First paying attention to the rough and main essence of the artistic archives he wants and needs to explore, he tears apart their inner source to rock and motivate our souls. Continually balanced between musical foundations and a percussive, robotic urge, he conceives metallic entities before, precisely, giving birth and conscience to them, then modifying every circuit by plugging a sensationally creative and magnificently thought electricity current. Using short but increasing keyboards, he humanizes hydraulic systems from his tracks, starts them so they can live and conquer. First slow but soon toxic, all songs spread like a virus ready to become malignant, infecting muscles and synapses to bring the first, uncurable symptoms on frenzy and submitted bodies. Nekro simplifies in order to captivate; instead of exaggerating arrangements, he perfectly and scrupulously injects the multiple pieces of his own harmony language to immediately allow us to feel the work of unity and constancy he has done, so we can only and totally hail his inventive and daring approach.

Nekro invites us to a radical but incredibly smart and self-willed experience. No doubt it will  reconcile sceptics to machines.

Raphaël DUPREZ

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Flaviyake – Singles/ Celestial Cutie EP (2014, auto-production/ self-produced)

Flaviyake – Singles/ Celestial Cutie EP (2013-2014, auto-production/ self-produced)

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L’art revêt parfois des atours plus qu’originaux afin de démontrer non seulement de l’intérêt de ses créateurs, mais également de ses préoccupations et désirs. Messages pour certains, aveux pour d’autres, ces délivrances par l’image ou le son prennent tout leur sens dès que l’on accepte une adhésion active à ce qui est proposé. Car derrière chaque langage, en apparence facile d’accès, se cache un individu avec son quotidien, ses passions, ses envies mais également ses questions. Le reflet de tant d’interrogations renforce le plaisir d’explorer les univers des créateurs, comme c’est le cas ici avec l’artiste Flaviyake. Car au-delà de sa musique electro et pop rafraîchissante et motivant les neurones, elle implique un discours incroyablement pertinent sur le monde dans lequel elle évolue. Ses chansons deviennent alors, séparement et dans un ensemble concret, de véritables histoires personnelles et autobiographiques, mais aussi des confessions sur ses amours autant que sur ses inquiétudes.

Et force est de constater que l’electro de l’artiste est tout sauf facile. Fouillant les harmonies et les diversifiant au fil des titres, si bien que l’on n’a jamais cette impression d’habitude pénible d’entendre toujours la même chose (ce qui arrive assez souvent dans ce style), Flaviyake cherche l’inspiration aussi bien dans des élans jungle et éthérés (Celestial Cutie, Because I’m A Doll) que dans les boucles entêtantes et dansantes (Electronic Boy, Street Of Roses (Street Of Weed)). Malmenant synthétiseurs et sons afin de leur donner un aspect palpable, tangible et collant à la peau, la musicienne explore toutes les pistes et recherche la complexité dans la simplicité, afin d’offrir des chansons en mouvement, intelligentes et moins innocentes qu’elles n’y paraissent. Elle alterne alors ambiance club (Musical Vibes), pop dense et admirablement bien arrangée (Angelic Song) et mouvements trip-hop (Londonight, Moonlight), s’imprégnant et pensant chaque atmosphère afin d’en extraire les idées les plus à même de valoriser une voix elle aussi en mutation régulière et infinie. Les mélodies sont poussées dans leurs retranchements les plus secrets et délicieux, valorisées par des effets discrets et tout en douceur. Si, après ces chansons remarquables de complexité harmonique et de puissance évocatrice, l’auditeur sent le doute planer, il convient d’écouter d’urgence les trois titres acoustiques du EP Celestial Cutie, dans lequel la créatrice réinvente ses compositions au piano et avec sa seule voix. Sublime.

Mais la forme la plus captivante de l’oeuvre déjà importante de Flaviyake apparaît dans sa conception de l’art global et de son sens en tant qu’interprète, avec tout ce que cela implique. Au-delà du visuel et de son apparence physique déjà révélatrice d’un hommage évident aux modes populaires actuelles, elle se sert des moyens de communication mis à sa disposition pour, grâce à son timbre admirable de capacités et de profondeur, évoquer des sujets importants et lui tenant à coeur. Ainsi, elle transmet ses impressions aussi bien sur la culture des jeux vidéos que sur celle des mangas (pour le côté geek), ou sur l’écologie et l’étouffement d’une jeunesse mondiale qui ne demande qu’à pouvoir s’exprimer sans frontière. Et pour cela, elle se sert d’elle-même, se mettant en scène et offrant ce qu’elle est pour devenir une icône qui ne peut qu’être suivie; se regardant comme une femme-enfant au travers de la vision que les autres ont d’elle, elle use de ces apparats pour apporter l’innocence propice à l’éveil des consciences, affirmant ainsi sa conception d’une société qui peut efficacement lutter contre son déclin en regagnant ces sentiments perdus sans aucune raison valable. Elle est un travail d’orfèvre intégrant chaque source créatrice et expressive. Elle invente comme elle respire, chante comme elle vit, et donne aussi bien un spectacle de son habileté fructueuse qu’une réflexion moderne et savante sur le monde d’aujourd’hui sans être pour autant une militante acharnée. Non, avec elle, le plaisir devient l’origine du bouleversement, et elle parvient à ses fins à merveille, suscitant immédiatement respect et admiration.

Il faut impérativement découvrir Flaviyake; et la suivre, tant son travail est impressionnant de maîtrise et subtilité. Un phénomène trop rare pour ne pas lui accorder l’importance qu’elle mérite amplement.

Raphaël DUPREZ

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Sometimes art is desperately in need of originality to prove that, first, its creators have a constant interest in giving their own opinion about life and, also, what their preoccupations and desires truly are. It is a message for some of us and a confession for others, but it is always a deliverance made possible by the true, intense wish to give value to images and sounds, as long as people agree and focus on the subjects they are introduced to. Because, as for every language, it first seems easy to understand; but it would be too restrictive to make no subject of the artists themselves, the ones who are the basis of the work, their daily lives, their passions, their inspirations and questions. Art is a reflection of questions that invoke the pleasure to explore multiple universes given, as for Flaviyake. Because, more than only performing refreshing electro and pop tunes and exciting one’s brains, she talks to us and exposes an impressive and incredibly relevant speech about the world she lives in. Her songs thus are, separately and concretely, personal and autobiographical stories, but also confessions about her passions and worries.

Thus, one has to admit that the artist’s electro tunes are quite complex. Digging into harmony and constantly changing them track by track, so that one never feels like listening to the same song again and again, Flaviyake finds inspiration in jungle, ethereal tones (Celestial Cutie, Because I’m A Doll) or heady and rhythmical moments (Electronic Boy, Street Of Roses (Street Of Weed)). Using keyboards and sounds to give them almost palpable textures, she explores every essence and perfectly aims to discover multiplicity in simplicity, in order to offer us regularly moving, clever and not-so-innocent songs. She goes from clubbing (Musical Vibes) to a dense and well-arranged pop mood (Angelic Song) or trip-hop (Londonight, Moonlight), getting filled by each ambience and thoughtful of all the ideas that are valuing her mutating and impressive vocals. Music is taken to its most secret and delicious intensity while being performed with discrete and soft effects. And, if anyone thinks her music could stand for a few more emotions and impressions, one has to listen to the three acoustic tracks contained on Celestial Cutie EP, where this fabulous creator reinvents her art only with a small piano and her remarkable sense of singing.

But the most captivating part of Flaviyake’s important work can be found in her own concept of global art and its meaning for the performer she is, with all that it tends to. Above the visual part of her physical shape, which is an obvious tribute to nowadays pop culture, she uses all possible means of communication to talk about all the serious subjects that she endlessly thinks of and feels about, thanks to her admirable, impressive and deep vocal timbre. She then exposes her thoughts on the videogame industry and its consequences for mankind, japanime and geeks, ecology and the way the worldwide youth has been given no power to express itself while it is in need to do so. And her courage grows into herself and the incredible gift of her own image, staging her shape to become a perfect, actual icon; as people stare at her as if she was a woman-child, she uses this vision to bring innocence to right in front of our eyes, in order to awake us and make us be aware of the world we live in, showing her vision of a society ready to fight for its rights by regaining its long lost ideas of a better place to evolve. Meticulously, she understands every opportunity to create and tell us about everything that surrounds and suffocates us. She acts and sings as if her life depends on it; she introduces us to her intimate show where sketches of her wanderings, abilities and modern, intelligent points of view are an infinite amount of subjects to help us find ourselves and breathe again despite the stormy days we all daily go through. Thanks to her, pleasure is the origin of changes, which she smartly offers us and, through her concept, makes us feel respect and admiration for her incredible efforts.

One immediatly has to go for Flaviyake; and, of course, one has to follow her, whatever she does in the future. Her entire work is admirable and subtle, which is a pretty impressive phenomenon, and an experience to enjoy before giving her back what she really deserves.

Raphaël DUPREZ

https://soundcloud.com/flaviyake

https://www.youtube.com/user/flaviyake

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Abstract Aprils – Blossom Ends (2014, auto-production/ self-produced)

Abstract Aprils – Blossom Ends (2014, auto-production/ self-produced)

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Que déterminent les images que nous voyons dans notre enfance et notre adolescence? Que signifient-elles vraiment lorsque l’on devient adulte, qu’elles restent ancrées dans nos mémoires, omniprésentes et contribuant à faire de nous ce que nous sommes? Quels sont nos souvenirs et que deviennent nos regrets en prenant finalement vie sous nos yeux fascinés et notre amertume émotionnelle? ils se confondent avec la mélancolie, avec la peur de ne pas avoir fait assez. Mais les repères changent, ils se consolident. Et, avec eux, l’art devient symbole de clairvoyance et de plénitude, de méditation et de réconfort. Ressentir la musique d’Abstract Aprils, l’aborder comme un témoignage de mouvements lents de caméras et de regards, cela signifie aussi atteindre des sommets d’ambient évocateur et troublant. Blossom Ends est la bande-son de nos absences, de nos faux-pas et de nos inactions; un disque qui observe sans juger, qui implore sans reprocher.

Voguant sur des rivages proches de ceux explorés par Brian Eno (Breathing Sculptures), Blossom Ends témoigne également d’inspirations proches des élans new age des années 80, sans en conserver cependant l’aspect trop commercial. Ici, il s’agit plus d’illustrer par les sons les réminiscences d’époques perdues, de temps que beaucoup ont laissé à l’abandon. Mêlant à la perfection les deux émotions contradictoires que sont l’espoir et la tristesse, Abstract Aprils s’incline devant l’amnésie, verse des larmes artistiques sous la forme d’un piano poignant (Raw As Diamonds) ou de guitares aquatiques (Gravity, These Moments Live) avant d’inverser les harmonies et de les entraîner dans un voyage introspectif posé et grave (At This Point), invitant les courants électroniques de rythmes tout en écho et en délicatesse (Daring Remedy, Krystalucent). Modernisant ce que Labradford nous donnait admirablement à entendre il y a encore une dizaine d’années tout en y insérant une palette musicale typiquement islandaise rappelant Sigur Ros (Blossom Ends, Jackie), le compositeur soigne les détails, lisse les aspérités de ses titres qui deviennent autant de pierres précieuses éclatantes et chaudes. Le disque devient alors une brume rafraîchissante après la canicule, chaque gouttelette pénétrant le corps, hydratant l’esprit et le cerveau reptilien.

Ainsi, toute la puissance d’évocation de l’album réside dans ce constat aussi impressionnant que délicieusement minimaliste; la musique d’Abstract Aprils est remarquablement cinématographique et visuelle. Impossible de ne pas y retrouver les éclairs de génie d’Atticus Ross pour la bande-son du Livre D’Eli, mais surtout de ne pas penser à l’époque bénie de David Lynch et de Twin Peaks. Digne successeur des expérimentations atmosphériques d’Angelo Badalamenti, le créateur erre dans les limbes du mystère, de la révélation et de l’interrogation sur le silence et le non-dit. Dissimulant une multitude de détails participant à la qualité de l’ensemble, il laisse autant de clés à l’auditeur pour que celui-ci, entraîné dans un voyage intemporel et solitaire, ne cherche pas à comprendre toute la richesse de l’ensemble, tout en se laissant porter le long de fleuves paisibles, sur les sentiers de montagnes perdues, chaque élément du paysage recélant une impressionnante quantité de secrets qu’il convient de contempler et de révéler. Si bien que le plaisir immédiat plonge chacun de nous dans un incroyable état de transe, modifiant le regard sur l’extérieur et les impressions premières. Plutôt que d’appréhender, l’auditeur observe, avec justesse et apaisement, l’univers en perpétuel mouvement qui l’entoure, s’en excluant l’espace de ces précieuses minutes pour, en totale renaissance, s’y replonger, à jamais métamorphosé.

Blossom Ends est une pièce maîtresse de la musique ambient; parce qu’Abstract Aprils a compris, au fil de nombreuses heures de travail et d’analyse, le sens premier de cette musique hors-norme.

Raphaël DUPREZ

http://abstractaprils.bandcamp.com/releases

https://www.facebook.com/abstractaprilsmusic

 

What about images we see during our childhood and adolescence? What do they truly mean once we become adults, as they are still in every memory, remaining there and helping us find who we really are? What about our remembrances and regrets when they finally come to life in front of our fascinated eyes and emotional bitterness? They melt into melancholy, invoking the fear of not having done all we were supposed to do. But, on the opposite, marks change and get as heavy as necessary. And, with them, melody appears to be a symbol of clairvoyance and silence, of meditation and comfort. Hearing Abstract Aprils’ music means considering it as a remnant of slow motion camera movements and looks. It also encourages us to reach the summit of evocative and moving ambient music. Blossom End, thus, is the perfect soundtrack for our mental blanks, our false steps and inactivity; it is a record that has to be understood without being judged, and that implores without reproaching anything to anyone.

Traveling across the seas that Brian Eno still explores (Breathing Sculptures), Blossom Ends is made of moments close to the 1980’s new age music, but with no excessive or commercial intention. The most important element of the record is a constant desire to illustrate, thanks to various and admirable soundscapes, the remnants of past moments and time that people have forgotten. Perfectly mixing both hope and sadness, Abstract Aprils bows before amnesia, cries artistic tears through a moving piano (Raw As Diamonds) or water guitars (Gravity, These Moments Live) before modeling harmony and creating a meticulous, sublime and serious introspective vision (At This Point), calling discrete, echoing and delicate electronic rhythms to succeed (Daring Remedy, Krystalucent). Modernizing tones that Labradford has offered us 10 years ago while using an Icelandic-influenced musical palette reminding us of Sigur Ros (Blossom Ends, Jackie), the composer is taking huge care of details, cleaning all asperities on tracks that are like enlightened, warm precious stones and diamonds. The record then is a refreshing mist before a heat wave, every cold drop caressing one’s body and hydrating one’s mind and reptilian brain.

Thus, the inner power of the album to evoke landscapes and turmoils lies in a simple but efficient, impressive and minimalist purpose: Abstract Aprils’ music is remarkably cinematic and visual. It is impossible not to think of Atticus Ross’ brilliant arrangements on The Book Of Eli soundtrack but, above all, David Lynch’s blessed intimacy and genius with Twin Peaks. As a perfect follower of Angelo Badalamenti’s atmospheric experiences, the creator travels through the limbs of mystery and revelation, then questions silence and the unsaid. Hiding multiple details that can help one understanding the whole LP, he leaves all the keys to his world so that one, while taken to an out-of-time and lonely quest, does not try to catch everything at once and lets oneself be carried along peaceful rivers or on mountain trails, as every single element of this melody road contains an impressive amount of secrets that one has to contemplate and unveil. Then, an immediate pleasure points to an incredible state of trance while modifying one’s stare at the world around and primary sensations. Instead of fearing any kind of desperate instant, one cleverly and quietly watches a perpetually moving universe, gets out of it to enjoy unforgettable minutes and hours listening to the record, rebirthing and diving into it again and again to get transformed without end.

Blossom Ends is a masterpiece of ambient music; because Abstract Aprils has understood, thanks to long hours of work and analysis, what it truly, deeply means.

Raphaël DUPREZ

http://abstractaprils.bandcamp.com/releases

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