Monade – Puni (2014, Xtraplex Records)
Détendre une atmosphère souvent angoissante, laisser le trouble et les craintes s’évaporer, engendrer un mouvement précis, doux et pénétrant dans les connexions cérébrales; l’electro minimaliste et l’IDM en général demandent aussi bien une paix de l’âme propice à la compréhension et à l’extase suscitées par ce mouvement intellectuel et musical complexe, mais également une envie de démonter les mécanismes inhérents au genre afin de le savourer d’autant plus. Les glitches sont autant d’étincelles vivantes, de soubresauts efficaces pour créer les décharges électriques les plus à même de nous laisser entrer dans cet univers apparemment froid et calculé, mais tellement empli d’émotions et de gestes merveilleux et osés. Le compositeur italien Roberto Donato, alias Monade, nous offre, grâce à Puni, un épiphénomène inducteur de sensations délicates et captivantes, une inhibition d’impressions presque visuelles provoquée par les artifices sensibles de ses mélodies et arrangements, de ses expérimentations continues et infaillibles.
Déterminé à laisser parler ses émotions avant d’éprouver la technique indissociable de l’electro, Monade baigne ses titres d’une tonalité ambient rappelant aussi bien Lawrence (87) que Boards Of Canada (Quibus), en n’omettant pas de créer des moments plus sombres mais envoûtants et frôlant l’extase sensorielle (Thymes, Freq 1). Les rythmes sont frottés au papier de verre, âpres et râpeux, grattant les murs poussiéreux de bâtisses écornées et abandonnées dont les plâtres se déchirent et s’effritent. On entend les pas des esprits rôdant dans ces environs vides et solitaires, leurs cris traversant les cloisons en un ultime appel à l’aide salvateur et mémorable de pureté (Ak L). Ainsi, toute l’écoute de l’album se trouve encadrée comme peut l’être un tableau nous remémorant les heures perdues de cités aussi grandioses qu’éphémères, ces Babylone musicales dont personne n’ose franchir les portes majestueuses car gardées par les fers de lance du mouvement, mais qu’il convient pourtant de dépasser pour y apporter sa propre pierre. Cloisonné entre un Little Birth délicieusement dark et le final liquide qu’est Vinics, Puni étend ses univers glabres et drapés de soies déchirées mais conservant une douceur inattendue malgré la corrosion des éléments naturels.
Car il s’agit bien ici de contempler l’éternelle rivalité entre la nature et l’artifice. Ce qui est alors électronique, créé par l’homme, se heurte, comme sur la magnifique pochette du disque, à un ensemble de mousses et de fougères qui semblent devoir être elles aussi pixellisées, mais s’y refuse obstinément. Mélangeant deux mondes en constante opposition pour n’en sortir que les sèves respectives, Roberto Donato apparaît comme un scientifique écologiste enfermé dans son laboratoire et usant des outils les plus modernes pour découvrir les cellules propices à la création de la vie végétale. Car n’oublions pas que Puni est l’eau de vie, une rivière alpine italienne coulant en toute liberté; et c’est ce mouvement, ce torrent et ses énonciations tranquilles ou souvent mouvementées, que le compositeur souhaite mettre en musique. Ainsi, le LP serpente, transperce les roches et descend le long de terres escarpées et miroitantes, vers la lumière et la civilisation, afin d’apporter à son tour sa force vive, son énergie infinie. En 11 étapes, Monade nous fait parcourir ces lieux vierges et les matérialise de la plus belle manière possible.
Puni nous ramène vers ce que l’electro contient de plus évocateur et sentimental. Un disque parfait, à écouter sans modération.
Raphaël DUPREZ
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Relaxing an often frightening atmosphere; allowing disorder and fear to evaporate; generating precise moves; softening and exciting all brain synapses… Minimalist electro and IDM music generally require both a time to relax in order to understand them, and ecstasy that is aroused by such an intellectual and complex art, but also a desire to dismantle all inherent mechanisms of the genre so they can be enjoyed more and more. Glitches are like living sparks and effective jolts placed in the tracks to create the most efficient electric shocks to let us enter this apparently cold and clever universe, but also emotional and wonderfully captivating moments. Italian composer Roberto Donato, aka Monade, offers us, thanks to his new record, Puni, an epiphenomenon which induces delicate and mesmerizing sensations, an inhibition of almost visual impressions caused by skin-crawling pleasures in melody, arranging and neverending experiments.
Ready to let his emotions speak instead of a cold electro mood, Monade wraps his tracks around ambient waves reminding us of Lawrence (87) or Boards Of Canada (Quibus), and never forgets how to create dark but captivating tones of sensory ecstasy (Thymes, Freq 1). Rhythms are rough, raspy and as scratchy as sandpaper, scraping dusty walls of sounds and abandoned buildings where adirty and muddy harmony plaster falls apart. One can hear the steps of spirits lurking around in empty and lonely corners, their screams echoing through the corridors in a final call for help, salvation and well-worn purity (Ak L). Thus, listening to the album is like contemplating a painting frame reminding us of the long lost hours spent in huge and ephemeral cities, a musical Babylon nobody dares to enter by passing majestic doors guarded by the leaders of the genre, but which has to be overcome to bring a new sensational point of view. Starting with the deliciously dark tune Little Birth and ending with the liquid track Vinics, the universe shining through Puni expands under pale veils and silk, torn apart but still showing an unexpected sweetness despite the corrosion of its most natural elements.
Because with this particular album, one is invited to contemplate the ageless struggle between nature and modernity. What is electronic and artificial (meaning, created by men), as one can notice on the beautiful album cover, faces leaves and ferns that do not want to be pixelated. Mixing two worlds in constant opposition to only keep their respective sources of beauty, Roberto Donato seems to be an environmental scientist locked in his lab, making use of new tools to play with the cells that can be manipulated to create an unknown plant. Let us not forget that Puni means ‘water of life’ and is an Italian Alpine river; and it is this movement, this river and its quiet or sometimes deafening noises, that the composer wishes to perform through his art. Thus, the meanders flowing in the LP run through the rocks, along shiny and dry lands, towards light and civilization to provide a living strength and an infinite energy. with only 11 tracks, Monade takes us to these virgin places and materializes them in the most admirable way.
Puni takes us back to the most evocative and moving electro roots. Therefore, one has to endlessly listen to it.
Raphaël DUPREZ