Zachary Huff – Dreamsura (2013, auto-production/ self-produced)

Zachary Huff – Dreamsura (2013, auto-production/ self-produced)

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Au commencement, il y avait le silence. Quelques secondes anonymes, vierges, page blanche attendant patiemment que le musicien y grave ses portées, ses notes, à l’encre noire et à la plume. Puis, dans une progression lente et chaude, les mélodies émergent, éclosent, vibrent. Dreamsura est une ode, une pièce en neuf actes mêlant nature et béton, pureté et industrialisation, beauté et robotisation.

Car ce sont des sons invitant à la contemplation de paysages fabuleux, terrestres et fantastiques, qui se révèlent tout d’abord. Guitare acoustique, percussions douces et délicates (Gossamir), ce terreau musical qui sera la base de tout l’album de Zachary Huff, théoricien de la musique et compositeur anglais de tout juste 21 ans. Alors on regarde, tels les personnages du Déjeuner sur l’Herbe de Manet; l’impressionnisme musical de l’artiste, tout en ouverture dans son art et son appropriation de techniques modernes et inattendues au service de mélodies harmoniques inépuisables, dessine les traits de toiles auditives et sensitives et appelle chaque sens à intervenir. Au hasard de ces promenades, on croise tour-à-tour Pink Floyd (Stargaze, Heartflux, versions modernes de A Saucerful of Secrets) aussi bien qu’Erik Satie (Spire). Et soudain, dans ces landes désertes et verdoyantes, le modernisme et le futurisme sortent de terre par le biais de rythmes électroniques découpés, glitches morcelés puis cimentés les uns aux autres (Bursting With Light). Ce Metropolis harmonique doit alors cohabiter avec prairies et plaines, sans les dénaturer.

Zachary Huff crée et fait cohabiter deux univers distincts, deux créations diamétralement opposées. Aux gouttes de pluie et à l’orage salvateurs succèdent des mécaniques informatiques en apparence dangereuses mais pourtant respectueuses de l’environnement dans lequel elles se mettent en marche. Progression lente, commune, dans un monde où le feu crée la lave autant que l’acier, où la culture de la main de l’homme nourrit autant qu’elle est altérée. Le déclenchement de l’union de ces forces inductrices provoque alors chez l’auditeur ce sentiment omniprésent de beauté dans la vision du ciel autant que dans celle de l’artifice. Sans être tiraillé entre deux, chacun retrouve les chemins sinueux côtoyant les rues de la cité, les espaces d’oxygène se mêlant aux structures de fer et de métal. Dreamsura illustre et fait naître ces sentiments en brouillant les repères, en allant de l’avant et en mariant délicatement calvalcades rythmiques destructurées, échevelées et instruments naturels ou artificiels (le solo de guitare électrique de Shattering Into Darkness) sensibles et hypnotiques.

Le compositeur, exceptionnellement humble autant que génial dans sa démarche artistique, crée une atmosphère et une ambiance dans lesquelles il fait bon respirer. Et prendre de grandes bouffées d’air avant de bâtir, encore et toujours plus.

Raphaël DUPREZ

http://zacharyhuffmusic.bandcamp.com/

 

In the beginning, there was only silence. Few anonymous, virgin seconds, like paper sheets ready to be filled with musical notes and staves by a musician holding his black-ink pen. Then, slowly and warmly fading in, tunes appear, open and resound. Dreamsura is an ode, a theater play in nine acts mixing nature and concrete, purity and industrialization, beauty and automation.

A first, music here invites one to contemplate fabulous and fantastic terrestrial landscapes. Sweet and delicate acoustic guitar and percussions (Gossamir) are like a musical breeding ground for 21 year old composer, theorist and performer Zachary Huff’s LP. As for the figures laying on the grass on Edouard Manet’s famous painting Luncheon on the Grass, Zachary Huff’s artistic impressionism seems as opened to classical bases as modern and unexpected techniques, thus drawing sensitive sound pictures appealing to all five senses. While traveling through these peaceful countries, one thinks of Pink Floyd (Stargaze and Heartflux, both sounding like modern versions of A Saucerful of Secrets) as well as Erik Satie (Spire). And suddenly, in such deserted and green lands, modernism and futurism get off the ground, helped by straight and sharp electro rhythms and glitches (Bursting With Light). They are a sensorial Metropolis, as in Fritz Lang’s famous movie, thus co-existing with meadows and plains without altering them.

The composer creates and gathers two different and diametrically opposed artistic worlds. Raindrops and thunder give way to artificial mechanisms, first seemingly dangerous though respectful of the environment they are growing in. They progress, slowly, gently, in an universe where fire gives birth to lava as well as steel, crop to food as well as altered species. Such an union breeds unknown forces and then provokes an ominous feeling of beauty in landscapes as much as in industry for each listener. Moreover, never being pulled apart by any of them, one finally finds a personal way to explore country paths and city streets, as oxygen melts with iron and metal structures. Dreamsura amazingly stands for all these opposite enjoyments while blurring all marks, always going forward and delicately adding destructured and accelerating rhythm loops to hypnotic and sensitive natural or artificial music instruments (guitar solo on Shattering Into Darkness).

Zachary Huff is an extremely humble genius and easily proves it through his astonishing artistic approach, by creating a particular atmosphere and a magnificent mood where one can find a wonderful ecstasy. And breath fresh air in before going back to the city and build, again and again.

Raphaël DUPREZ

http://zacharyhuffmusic.bandcamp.com/

 

 

 

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